La Ville dont le prince est un enfant : Analyse d'une œuvre marquante d'Henry de Montherlant
La Ville dont le prince est un enfant est une pièce de théâtre en trois actes d'Henry de Montherlant, publiée pour la première fois en 1951. Le titre est tiré de l'Ecclésiaste 10⁚16⁚ « Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin ! ».
Contexte et Genèse de l'Œuvre
Cette œuvre autobiographique se déroule dans un collège catholique à Paris, vers la fin du mois de mars, entre les deux guerres (1919-1939). La pièce se base sur les expériences de Montherlant au collège Sainte-Croix de Neuilly, où il a étudié dans sa jeunesse.
L'Auteur : Henry de Montherlant
Henry de Montherlant (1895-1972) était un écrivain et dramaturge français, connu pour son style incisif et ses réflexions sur la condition humaine, la masculinité, la religion et l'art. Il a été influencé par les penseurs existentialistes et a souvent exploré les thèmes de la solitude, de la déception et de la recherche du sens de la vie.
La Ville dont le prince est un enfant est l'une de ses premières œuvres, ébauchée dès 1912 sous le titre de "Serge Sandrier", puis reprise et transformée pendant presque quarante ans avant d'être publiée en 1951.
Résumé de l'Intrigue
Henri de Montherlant nous décrit là une relation entre un élève de 16 ans, Sevrais, et Souplier âgé de 14 ans. L'abbé de Pradts convoque tantôt l'un, tantôt l'autre, pour faire cesser cette relation. Souplier, par son jeune âge est empreint de candeur et encore très peu formaté à la bienséance lorsqu'il s'agit de répondre à ses "maîtres". Sevrais est lui bien plus mature et réussit à tromper le corps enseignant et ecclésiastique lorsqu'il s'agit de retrouver Souplier.
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La pièce met en scène l'amitié particulière entre deux élèves, Serge Souplier et André Servais, et les difficultés qu'ils rencontrent à s'intégrer dans un milieu scolaire rigide et conservateur. Le surveillant de la division des "grands", M. Habert, âgé de 25 ans, est un personnage important de l'intrigue.
Thèmes Principaux
La Ville dont le prince est un enfant aborde plusieurs thèmes importants :
- La jeunesse et l'éducation : La pièce explore les difficultés de la vie scolaire et les tensions entre les générations. Montherlant met en lumière les contradictions inhérentes à l'institution scolaire, qui peut être à la fois un lieu d'apprentissage et de domination.
- L'amitié et la solitude : L'œuvre met en scène l'amitié particulière entre Serge et André, deux élèves qui cherchent à se retrouver et à se soutenir dans un environnement hostile. L'amitié devient un refuge contre la solitude et l'incompréhension du monde adulte.
- La religion et la morale : La pièce se déroule dans un collège catholique, et la religion est omniprésente. Montherlant explore les contradictions de la morale religieuse et les difficultés de concilier les préceptes religieux avec les pulsions naturelles des adolescents.
- La recherche d'identité : Serge et André cherchent à trouver leur place dans le monde et à définir leur propre identité. Ils sont confrontés à des pressions sociales et à des attentes familiales qui les obligent à se conformer à des modèles prédéfinis.
Analyse des Sentiments et des Relations
Au cours de la lecture j'ai déploré un manque de clarté des sentiments entre les protagonistes de l'histoire car on est quand même pris entre deux feux ; est-ce une simple amitié mais dans ce cas-là, pourquoi vouloir les séparer ? Le lecteur pourrait donc en déduire qu'il s'agit d'amour puisque l'on veut séparer les personnes concernées et pourtant aucune manifestation physique n'est décrite de cet amour. Toutefois, l'amour peut passer par un regard, une attitude, un rapprochement et la force du sentiment peut tout simplement l'être pour qui le vit mais non pour celui qui voit.
Quand à un moment l'amour est verbalisé par Sevrais, on se demande de quel amour il peut s'agir puisqu'il avoue qu'il ne peut souffrir de jalousie envers quiconque veut du bien envers Souplier et il ajoute au sujet d'Andromaque : "Tu n'y entends rien. ça n'a rien à voir avec l'amour. J'ai un mépris ardent pour l'amour".
Je suis resté abasourdi par l'expression tout à fait naturelle de l'attachement d'un abbé envers un jeune garçon. Quand on considère que l'abbé de Prats (35 ans) avait en sa possession des photos du jeune Serge, alors âgé de 14 ans ! Même s'il aurait pu être le père du jeune homme, l'abbé n'en demeure pas moins un jeune homme lui même, encore vert, consumé par la passion et en proie à la tentation de la chair incarnée par la beauté juvénile.
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Des moeurs révolues et, de nos jours, lourdement condamnées, qui s'inscrivent dans une filiation plus évidente et directe d'une époque encore empreinte du modèle absolu de perfection linguistique, morale, mais aussi virile représentée par la civilisation gréco-latine. En effet l'étude des Humanités étaient encore de mise, dans les années cinquante et le culte de la pureté n'allait pas sans le culte du corps.
La dernière réplique du Supérieur consacre la pureté de la foi certainement recherchée par de pieux hommes d'église, sincères (et "purs" ?) dans leur chemin de vie. Un très beau texte sobre et juste. Une solide analyse des sentiments amoureux et de la foi sacrificielle au service de l'élévation des jeunes hommes en devenir.
Adaptation Cinématographique
La Ville dont le prince est un enfant a été adaptée au cinéma en 1997 par Christophe Malavoy, qui avait joué le rôle de Serge Souplier dans une mise en scène théâtrale de la pièce en 1994 au théâtre Hébertot à Paris. Le film a été diffusé sur la deuxième chaîne de l'ORTF et a été salué par la critique pour sa fidélité à l'œuvre originale. Il est sorti en DVD chez "L'Harmattan" en 2007.
Réflexions et Portée de l'Œuvre
J'ai découvert La Ville dont le prince est un enfant à l'adolescence, à une époque où je voyais surtout l'histoire d'une belle amitié menacée par l'autorité. Ce collège clos, ces échanges pleins de tension retenue, ce face-à-face entre l'élève loyal et le prêtre trouble me touchaient, sans que je saisisse encore toute la portée de la pièce. En la relisant aujourd'hui, je découvre une œuvre beaucoup plus dense, plus dérangeante aussi.
Il y a là tout un monde d'ambiguïté morale, de désirs refoulés, de silences plus éloquents que les mots. Montherlant dépeint avec une acuité glacée l'hypocrisie d'une institution religieuse qui prétend éduquer, tout en écrasant l'innocence qu'elle dit protéger. Et dans ce jeu cruel, ce sont souvent les enfants qui voient le plus clair. C'est une oeuvre puissante, subtile, dérangeante parfois, mais profondément humaine. Et c'est un peu triste, je trouve, que Montherlant ne soit presque plus lu aujourd'hui. Sa langue, classique mais tranchante, sa lucidité, son audace feutrée mériteraient d'être redécouvertes.
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En terminant la lecture de cette pièce de théâtre j'ai dit : "wahouuuuuuu". Vocable certainement étranger à l'auteur mais j'ai trouvé la fin très belle, très forte car je ne m'attendais pas à cette issue.
En conclusion, La Ville dont le prince est un enfant est une œuvre riche et complexe qui invite à la réflexion sur la condition humaine, les relations interpersonnelles et la place de la jeunesse dans la société.