Molière : "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" - Analyse et Commentaire

I. Origine et contexte de la réplique

La célèbre réplique « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » provient desFourberies de Scapin de Molière, comédie écrite en 1671. Elle est prononcée par Géronte, un personnage avare et préoccupé par la sécurité de son fils, lorsqu'il apprend que ce dernier est prétendument retenu par des pirates. Le contexte est celui d'une supercherie orchestrée par Scapin, le valet rusé, pour obtenir de l'argent de Géronte. La phrase, répétée à plusieurs reprises, souligne l'incrédulité et le désarroi de Géronte face à une situation qu'il juge absurde et imprévisible.

II. Analyse de la réplique ⁚ "Que diable allait-il faire dans cette galère ?"

L'expression « Que diable allait-il faire dans cette galère ? », au-delà de son humour immédiat, révèle plusieurs niveaux de signification. D'abord, elle exprime l'étonnement et l'incompréhension de Géronte face à la situation inattendue de son fils. La "galère", métaphore d'une situation désagréable et périlleuse, représente ici l'enlèvement, ou plutôt la supposée capture par des Turcs. L'emploi de "diable" renforce l'aspect imprévisible et presque surnaturel de l'événement aux yeux de Géronte. La répétition de la phrase par Géronte, soulignée par Molière, met en lumière son incapacité à comprendre les événements et à trouver une solution. Elle souligne son caractère borné et son avarice, car son inquiétude pour son fils est secondaire par rapport à la perte financière potentielle. La réplique est donc à la fois une expression de la confusion et de l'inquiétude, mais aussi un révélateur des traits de caractère de Géronte, mettant en relief son incapacité à sortir de sa logique étriquée. Elle devient ainsi un ressort comique essentiel, jouant sur le décalage entre la gravité de la situation et la réaction limitée et répétitive du personnage.

L’analyse de la réplique permet de comprendre la complexité de la situation et de la réaction des personnages, la mise en scène de l’absurde et l’ironie inhérente au texte. Elle démontre l'habileté de Molière à construire une comédie à partir de situations conflictuelles et de caractères contrastés. La force de cette phrase réside dans sa simplicité apparente et son efficacité comique, décuplée par sa répétition. Elle illustre la capacité de Molière à créer des expressions populaires qui traversent les siècles, reflétant la nature humaine et ses réactions face à l'imprévu.

III. Le rôle de la répétition dans la comédie

DansLes Fourberies de Scapin, la répétition, notamment de la réplique "Que diable allait-il faire dans cette galère ?", joue un rôle crucial dans la construction comique de la pièce. Ce n'est pas un hasard si Géronte répète cette phrase à plusieurs reprises. Cette répétition, loin d'être une simple redondance, amplifie l'effet comique de plusieurs manières. Premièrement, elle souligne l'incapacité de Géronte à comprendre et à gérer la situation. Sa répétition obsessionnelle met en évidence son caractère borné et son incapacité à sortir de son schéma mental préétabli. La répétition accentue ainsi son ridicule, suscitant l'hilarité du spectateur. Deuxièmement, la répétition crée un rythme comique, un leitmotiv qui structure la scène et accentue la tension dramatique, tout en la parodiant. Elle rythme les échanges entre Géronte et Scapin, créant un effet de répétition burlesque qui exacerbe le comique de situation. Troisièmement, la répétition de la phrase permet à Molière de mettre en lumière le décalage entre la gravité apparente de la situation (la disparition du fils) et la réaction inappropriée et stéréotypée de Géronte. La répétition contribue ainsi à l'ironie de la situation, accentuant le contraste entre les paroles et les actions des personnages. Enfin, la répétition de cette exclamation contribue à ancrer cette phrase dans la mémoire collective, la transformant en une expression populaire qui persiste encore de nos jours, démontrant ainsi la force et l'efficacité de la stratégie comique de Molière.

En conclusion, la répétition, loin d'être un défaut, est un élément essentiel de la construction comique de la scène et de la pièce. Elle sert à caractériser les personnages, à structurer l'action et à amplifier l'effet comique, faisant de cette phrase une des plus mémorables du théâtre classique français. L'analyse de ce procédé met en évidence le talent de Molière pour utiliser les outils de la comédie afin de créer des situations théâtrales à la fois drôles et significatives.

IV. L'opposition entre Géronte et Scapin

L'opposition entre Géronte et Scapin dansLes Fourberies de Scapin est au cœur de la comédie moliéresque, et la réplique "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" en est un parfait exemple. Géronte représente le monde des maîtres, avare, préoccupé par les conventions sociales et les apparences. Son langage est souvent marqué par l'exaspération et l'incompréhension. Il incarne la rigidité et l'incapacité à voir au-delà de ses préjugés, se laissant facilement piéger par la ruse de Scapin. À l'inverse, Scapin, le valet, incarne la ruse, l'intelligence et la débrouillardise. Il est capable de manipuler les situations et les personnages pour arriver à ses fins, même si cela implique de mentir et de tromper. Son langage est vif, plein d'esprit et d'astuces. Il représente la souplesse et l'adaptation, contrairement à la rigidité de Géronte. L'opposition entre ces deux personnages est accentuée par leurs réactions face à l'annonce de l'enlèvement du fils de Géronte. Géronte, pris de panique mais surtout d'inquiétude financière, répète inlassablement sa célèbre phrase, révélant son incapacité à réagir de manière efficace. Scapin, quant à lui, exploite la situation pour obtenir de l'argent, maintenant le contrôle de la situation grâce à son intelligence et sa maîtrise de la manipulation. Cette opposition entre l'ordre établi (Géronte) et la subversion (Scapin) est l'un des moteurs principaux de la comédie, alimentant le conflit et les situations comiques. La répétition de la phrase de Géronte souligne d'autant plus ce contraste, mettant en évidence la supériorité tactique de Scapin face à la naïveté et à la rigidité de son maître.

L'opposition entre ces deux personnages n'est pas seulement une opposition de caractères, mais aussi une opposition sociale et générationnelle. Molière utilise cette opposition pour critiquer les travers de la société de son temps, l'avarice, l'hypocrisie et la rigidité sociale. La relation entre Géronte et Scapin devient ainsi une métaphore des rapports de pouvoir et des conflits de génération.

V. La satire sociale dans les Fourberies de Scapin

Les Fourberies de Scapin, au-delà de son aspect comique, offre une satire acerbe de la société du XVIIe siècle. Molière utilise la comédie pour dénoncer certains travers de son époque, et la réplique « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » en est un exemple révélateur. L'avarice de Géronte, mise en lumière par sa réaction face à la nouvelle de l'enlèvement de son fils, est une cible privilégiée de la satire. Son inquiétude principale n'est pas le sort de son enfant, mais la perte financière que cela pourrait engendrer. Cette obsession de l'argent, au détriment de l'affection paternelle, est dénoncée avec ironie par la répétition de sa phrase, qui met en évidence son incapacité à considérer la situation dans sa globalité. De même, la crédulité de Géronte, facilement manipulé par Scapin, est une critique implicite de la faiblesse de certains membres de la haute société face à la ruse et à la manipulation. Le thème de l'argent est omniprésent dans la pièce, soulignant l'importance du paraître et la corruption qu'il peut engendrer. La satire ne se limite pas à la critique des individus, mais s'étend également à l'institution sociale elle-même, les conventions et les hiérarchies sociales étant tournées en dérision. La relation maître-valet est elle aussi sublimée, Scapin, le valet rusé, prenant souvent le dessus sur son maître, inversant ainsi les rôles et les rapports de pouvoir. L'humour de Molière réside dans cette inversion des rôles, mettant en lumière l'absurdité de certaines conventions sociales. En conclusion, "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" est non seulement une phrase comique, mais aussi un outil satirique, permettant à Molière de critiquer les travers de la société de son époque avec une finesse et une ironie redoutables. La pièce est une réflexion sur l'argent, le pouvoir et la condition humaine, exposée à travers un prisme comique et divertissant, mais non dépourvu de profondeur.

La pièce, donc, dépasse le simple divertissement, offrant une critique sociale pertinente et durable, qui résonne encore aujourd'hui. La force de la satire de Molière réside dans son humour, qui permet de dénoncer les vices humains sans les rendre moralisateurs, mais au contraire les rendant plus accessibles et compréhensibles au public.

VI. L'impact comique de la situation

L'impact comique de la situation dans laquelle se trouve Géronte, lorsqu'il apprend la nouvelle de la prétendue capture de son fils, est multiple et repose sur plusieurs éléments clés. Tout d'abord, l'absurdité de la situation elle-même contribue largement à l'effet comique. L'idée qu'un jeune homme se retrouve enlevé par des pirates, ou du moins, la manière dont cette information est présentée par Scapin, est intrinsèquement drôle. Le contraste entre la gravité de la situation et la réaction disproportionnée de Géronte, obsédé par l'aspect financier du problème, amplifie cet aspect comique. La répétition de la phrase "Que diable allait-il faire dans cette galère ?", loin d'être une simple redondance, contribue à cet effet comique, soulignant la réaction stéréotypée et irrationnelle du personnage. Le comique de répétition est renforcé par l'incapacité de Géronte à comprendre la situation et à sortir de son schéma mental préétabli. De plus, le comique de caractère est exploité à travers le personnage de Géronte, dont l'avarice et la crédulité sont mises en lumière de manière hilarante. Son incapacité à réagir autrement que par des exclamations stéréotypées et répétitives crée un effet comique qui contraste avec l'intelligence et la débrouillardise de Scapin. Le comique de situation est également alimenté par la manipulation habile de Scapin, qui exploite la crédulité de Géronte pour obtenir de l'argent. L'ironie de la situation, où une supercherie est utilisée pour résoudre un problème supposé, contribue également à l'effet comique général. Enfin, le langage utilisé par les personnages, avec des jeux de mots et des expressions populaires, renforce l'aspect comique et rend la pièce plus accessible au public. En conclusion, le comique dans cette scène, et plus largement dans la pièce, provient d'une combinaison de différents éléments, qui fonctionnent en synergie pour produire un effet comique durable et mémorable. L'absurdité de la situation, le comique de répétition, le comique de caractère et le comique de situation se combinent pour créer une scène hilarante et mémorable;

Molière maîtrise à la perfection les ressorts de la comédie, utilisant le langage, les situations et les personnages pour créer un effet comique qui transcende les époques.

VII. La phrase comme expression populaire

La phrase "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" a transcendé le cadre de la pièce de Molière pour devenir une expression populaire française. Son succès est dû à plusieurs facteurs. Tout d'abord, sa simplicité et sa concision la rendent facilement mémorable et utilisable dans diverses situations. La formule est concise, facile à retenir et à reproduire, ce qui explique sa propagation au-delà du cercle des spectateurs de la pièce. De plus, son caractère imagé et la force de l'expression "cette galère" contribuent à sa popularité. La métaphore de la galère, symbole de situation difficile et pénible, résonne auprès d'un large public, car chacun peut se reconnaître dans une situation de difficulté ou d'impasse. L'emploi du mot "diable" ajoute une touche d'exaspération et d'incrédulité qui renforce l'impact de la phrase. La phrase exprime non seulement l'étonnement, mais aussi l'incompréhension face à une situation difficile ou absurde. Elle est employée pour exprimer l'incroyance face à un choix étrange ou à une situation inconfortable. Son utilisation est polyvalente, elle peut être employée avec humour ou avec ironie, selon le contexte. La popularité de cette expression témoigne de l'efficacité de la dramaturgie de Molière et de son talent pour créer des phrases mémorables. La force de la réplique réside dans sa capacité à synthétiser une situation complexe et à la rendre compréhensible de manière immédiate. Son utilisation fréquente dans le langage courant, des siècles après l'écriture de la pièce, témoigne de la longévité et de la pertinence de l'œuvre de Molière. Elle est une preuve du pouvoir de la langue et de son adaptation à travers les époques. En conclusion, "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" est une expression populaire qui a su traverser le temps grâce à sa concision, son imagerie forte et son adaptation à diverses situations. Elle témoigne de la puissance de la langue et de la pérennité de l'œuvre de Molière.

Cette expression, devenue proverbiale, illustre la capacité de Molière à créer des phrases qui résonnent au-delà de leur contexte initial, s'inscrivant dans la mémoire collective et le langage courant.

VIII. La postérité de la réplique

La réplique « Que diable allait-il faire dans cette galère ? », extraite desFourberies de Scapin, a eu une postérité remarquable, devenant une expression idiomatique durablement ancrée dans la langue française. Son succès dépasse largement le cadre de la pièce théâtrale, s'étendant à la culture populaire et au langage courant. Plusieurs facteurs expliquent cette longévité. D'abord, la force imagée de l'expression ⁚ la "galère" évoque une situation difficile, pénible, voire inextricable. Associée à l'interrogation incrédule introduite par "Que diable...", la phrase exprime parfaitement l'étonnement et l'incompréhension face à un événement inattendu et négatif. Son caractère universel permet son application à de nombreuses situations, au-delà du contexte précis de la pièce. Elle peut qualifier un choix regrettable, une situation absurde ou une implication malheureuse. L'humour intrinsèque à la phrase, lié à son caractère légèrement paradoxal et à la répétition possible, contribue également à sa popularité. Son usage est adaptable, permettant ironie, sarcasme ou simple constatation. La postérité de la réplique se manifeste dans plusieurs domaines ⁚ la littérature, où elle est parfois reprise ou citée comme symbole d'une situation inextricable ; le langage courant, où elle est employée familièrement ; et même la culture populaire, notamment à travers des adaptations et des citations dans d'autres œuvres. Son apparition dans des contextes variés témoigne de sa capacité à résonner avec différentes générations et à s'adapter à des situations nouvelles. La persistance de cette expression, des siècles après sa création, met en lumière le talent de Molière pour créer des formules lapidaires et mémorables. Elle souligne également le pouvoir de la langue et son aptitude à transcender les époques et les contextes culturels. L'analyse de la postérité de cette réplique permet de mieux comprendre son impact durable sur la langue et la culture françaises, témoignant du génie comique et de la profondeur de l'œuvre de Molière.

En conclusion, "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" n'est pas qu'une simple réplique théâtrale ⁚ c'est un héritage linguistique et culturel, un exemple de la manière dont une œuvre littéraire peut influencer durablement la langue et la pensée communes.

IX. Molière et son œuvre ⁚ un aperçu biographique

Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière, né le 15 janvier 1622 à Paris, est une figure majeure du théâtre français. Son père, Jean Poquelin, était tapissier du roi, une profession bourgeoise qui aurait pu être celle de Molière si celui-ci n'avait pas choisi une voie bien différente. Après des études chez les jésuites, il s'oriente vers le théâtre, contre la volonté de son père. Il fonde sa propre troupe, l'Illustre Théâtre, qui connaît des débuts difficiles. Ses premières années sont marquées par des voyages et des difficultés financières, loin du succès futur. Cependant, il persévère et son talent finit par être reconnu; La rencontre avec Madeleine Béjart, actrice et future compagne, joue un rôle important dans sa carrière. Ensemble, ils développent un répertoire varié, mettant en scène des comédies, des farces et des tragédies. Molière devient rapidement une figure incontournable du théâtre parisien, grâce à son style unique, alliant le comique, la satire et la profondeur sociale. Il est protégé par Louis XIV, qui apprécie son talent et lui accorde sa protection. Ses œuvres, commeL'École des femmes,Tartuffe,Le Misanthrope ou encoreLes Fourberies de Scapin, sont des chefs-d'œuvre du théâtre classique français. Elles sont caractérisées par une grande finesse d'observation de la nature humaine, une maîtrise du langage et une profonde connaissance des mécanismes de la comédie. Molière a su créer des personnages intemporels, dont les travers et les qualités continuent à résonner chez les spectateurs. Son œuvre, malgré les critiques et les oppositions qu'elle a suscitées, a marqué durablement l'histoire du théâtre et de la littérature françaises. Il meurt sur scène le 17 février 1673, laissant derrière lui une œuvre immense et inoubliable.Les Fourberies de Scapin, écrite en 1671, illustre parfaitement son style, alliant le comique et la satire sociale. La célèbre réplique "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" en est un parfait exemple, témoignant de sa maîtrise du langage et de sa capacité à créer des expressions populaires.

Son héritage, à la fois artistique et littéraire, reste considérable et continue d'inspirer les artistes et les auteurs des siècles suivants. Son œuvre continue à être étudiée et jouée, mettant en lumière la pertinence de ses observations et la finesse de son art.