L'ascension des influenceurs 4BDV et de la Nasdas Team : De Perpignan aux réseaux sociaux

Nasdas, c'est LE compte Snap qui fait parler de Perpignan dans la France entière et même au-delà. L'influenceur saint-jacquois pur jus a fait de son quartier le théâtre de ses vidéos humoristiques. Si le ton est propre au langage des réseaux sociaux, porté par la personnalité de Nasdas, c'est la couleur locale qui donne à ce profil son caractère unique, autant que peut l'être la vie de Saint-Jacques. Il faut le voir pour le croire.

La genèse d'un phénomène

Nasdas, c'est Nasser Das Algerische (l'Algérien en allemand), un gosse du quartier qui a grandi à l'ombre du "bloc", bâtiment 4 B de la cité Bétriu, promise à une destruction prochaine. Petits, grands, vieux, gitans, arabes, espagnols ou autres, tout le monde ici connaît sa gouaille depuis longtemps. Il n'y a pas si loin d'ailleurs, le jeune Nasser était gardien de HLM.

Au départ, Nasdas a lancé une opération de nettoyage du quartier. Il a acheté des sacs-poubelle, des gants et a proposé à des gamins des billets de 10 ou 20 euros pour une heure de ramassage des déchets. Beaucoup ont voulu participer. Pour lui, c'est une façon de leur donner le sens du travail, ce serait comme tondre la pelouse chez un voisin, sauf qu'ici, personne n'a de jardin.

Il y a un an, ces vidéos faisaient environ 60 000 vues. Mais tout a basculé en courbe ascendante à une vitesse vertigineuse. "Ça a pris du jour au lendemain, aujourd'hui en cumul sur tous les réseaux, j'arrive à 1,9 million de vues.", assure celui qui est devenu un professionnel des réseaux sociaux.

Nasdas confie que seul Snapchat lui rapporte de l'argent. Mais il ne doit rien au hasard. S'il engrange aujourd'hui "plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois", c'est grâce au business plan qu'il a monté avec son community manager, un ami d'enfance de Saint-Jacques qui, lui, préfère la discrétion. Avec manager, agent, comptable etc, la team Nasdas déclare faire vivre 5 personnes extérieures au groupe visible sur les vidéos.

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La Team Nasdas : Visages et parcours

La "team", c'est Samos, Billy dz, Tounsi et le benjamin 4 bdv, âgé de 17 ans. Les autres tournent autour de 25 ans. Ensemble, ils sont aussi rémunérés pour des showcases en discothèque, ou dans des fullparty comme à Marseille. "Je tiens le micro pendant 15 minutes, ensuite quelques photos et c'est bon", résume le snapeur.

Parmi les membres de la Team Nasdas, 4BDV a un parcours particulier. J’ai 24 ans, je suis né dans le quartier du Bas-Vernet. Quand j’avais 4 ans, je suis tombé et je me suis cassé les dents de devant. À l’école, en grandissant, c’est devenu une source de moqueries. Par la suite, le collège ce n’était pas trop mon délire ; j’avais un problème aux doigts et je n’arrivais pas bien à écrire.

J’étais en 3ème SEGPA, et j’avais besoin d’une demi-heure de plus pour suivre. J’ai quand même intégré un cursus en mécanique. J’étais content, je faisais plus de stages que d’école. Mais je n’ai pas trouvé d’emploi dans la branche, ni ailleurs non plus. J’ai essayé dans la vente, à la plonge… J’avais 17 ans, et quand je déposais mon CV, on me disait, on vous rappelle ; mais ils ne le faisaient jamais…

Et puis, une fois, on m’a dit : « Regarde ta tête, ça va pas passer ici. Je ne veux pas d’un jeune des quartiers chez moi ! ». Au départ, je ne comprenais pas pourquoi personne ne voulait de moi. Même pour les stages, les profs devaient m’accompagner. Une fois, je suis allé à un truc via Pôle Emploi. On était 5, ils ont pris les 4 autres, mais pas moi. Clairement, c’est mon aspect physique qui a fait la différence.

Avec un collègue, on s’est dit qu’on allait partir d’ici. D’abord, on a pensé à Paris ; mais à Paris, il y a déjà trop de monde qui cherche ou en galère. Alors, on a décidé d’aller ensemble à Lyon. On a pensé qu’à deux, ce serait plus facile de chercher du travail. Mais au final, à Lyon aussi c’était la galère. Certes, il y a plus de places disponibles au 115 ; mais il faut se dépêcher pour ne pas être obligé de dormir dehors. Je suis revenu à Perpignan.

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Un soir, on traînait au Bas-Vernet, et avec un pote du quartier on a commencé à parler sur Snap. Farid c’était comme un grand frère ; c’est lui qui m’a empêché de faire trop de conneries. Sur Snap, des gens que je ne connaissais pas ont commencé à bien m’aimer. Après, il y avait BillyBZ, Nasser, moi je suis arrivé sur la fin. Et maintenant on fait des vidéos avec la Nasdas Team, et on fait des millions de vues. On nous paye pour qu’on parle d’une marque, ou qu’on se filme devant une boutique.

Aujourd’hui, j’ai un manager, je suis sous contrat et je gagne ma vie avec ça. Du côté personnel, j’ai deux enfants, un garçon et une fille de 2 et 3 ans ; et même si je suis séparé de leur mère, je les vois très souvent. Le fait d’avoir des enfants, ça m’a un peu calmé. Avant, j’ai fait quelques bêtises, conduite sans permis entre autres. Je suis d’ailleurs en ce moment suivi par le Spip*, en contrôle judiciaire, j’ai dû prouver que j’avais un travail.

La réalité de Saint-Jacques et l'engagement de Nasdas

Nasdas a fait de la distribution de billets son image de marque. Mais ce qu'il montre de Saint-Jacques n'est pas toujours reluisant. "A la base, j'ai filmé en pleine nuit un petit gosse qui se promenait torse nu tout seul dans la rue. Nous on a l'habitude de voir ça ici. Je lui demande 'T'as pas école demain toi?', et le petit répond naturellement, qu'il n'y va pas. Et là, partout ailleurs en France, les gens ils en reviennent pas", explique Nasser.

Aujourd'hui, il distribue des billets de 50 euros à tour de bras dans ses vidéos à des enfants au prétexte d'une partie de foot ou d'un challenge improvisé. Il montre l'obésité dès le plus jeune âge, le tabagisme, ou la consommation de cannabis des ados. Jamais de violence en revanche.

"Mes vidéos c'est aussi le témoignage de la bonne entente entre gitans et arabes dans ce quartier.", défend-il. Il explique aussi vouloir partager le fruit de sa réussite avec les habitants de Saint-Jacques. Son rêve est d'y attirer des franchises qui viendraient s'installer au coeur du quartier et embaucher sur place. Il s'appuie pour cela sur les "30000 demandes de partenariat" qu'il aurait reçues, émanant de particuliers comme d'entreprises.

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Toutes les pistes de développement de business sont ouvertes pour le jeune homme. Il vend déjà des t-shirts et des casquettes de la "chienneté". Place Cassanyes, on trouve même des T.shirts à leur effigie, des vêtements que l'on peut aussi acheter sur le site internet de Nasdas.

Les fans traversent la France pour venir faire un selfie avec Nasdas et découvrir les rues du quartier. Ici tout le monde se connaît, c'est une grande famille, une terre d'accueil. La diversité fait notre force et c'est un quartier bourré de talents. Des anonymes font le voyage mais aussi des stars comme le rappeur Soolking qui est venu tourné à Perpignan son dernier clip entre les rues de Saint-Jacques et la Place de la République.

Nasdas c'est aussi des valeurs et des messages forts qu'il défend dans ses vidéos. Il incite les jeunes du quartier à aller à l'école, à se cultiver, à aimer la France aussi, "c'est mon pays et la France nous a tout offert" et insiste aussi sur le travail, "y a que ça qui paye". Depuis qu'il gagne sa vie comme influenceur, il partage ses revenus avec le quartier en distribuant des billets. "Je sais que ça peut choquer mais cet argent c'est celui du quartier, je redistribue à peu près 80% de ce que je gagne".

Aujourd’hui, je veux le bonheur pour mes enfants. Ils sont encore tous petits, mais ils vont déjà à l’école. C’est important l’école. Pour eux, je vais faire en sorte qu’ils ne vivent pas les traumatismes que j’ai moi-même vécus enfant. Parce que c’est pas cool de se faire traiter de sale arabe dans la cour d’école. De se faire discriminer parce qu’on a une sale gueule. Je voudrais que mes enfants ne grandissent pas dans un quartier comme moi.

Parce que maintenant, je crois que c’est encore pire qu’avant ; et je crois que ça ne va pas aller en s’arrangeant. Beaucoup sont racistes. Ça se voit à leur tête directement, ils passent, ils te regardent mal, comme si tu étais différent. Mais on est comme tout le monde. Nous, aussi dans les quartiers, on a le droit d’avoir notre chance.

Je ne sais pas si le truc sur Snap va durer toute la vie, mais à côté on se bouge, on a fait des t-shirts, on va peut-être monter des commerces. Aujourd’hui, je n’attends plus d’être embauché quelque part ; je veux créer mon propre emploi. J’ai encore un peu la haine envers ceux qui m’ont mal regardé, et qui maintenant veulent que je les cite sur Snap. Aujourd’hui, les mêmes qui me regardaient mal me sourient, et c’est une sacrée satisfaction.

Aujourd’hui, j’ai envie de témoigner de cette solidarité qu’il y a entre nous, Nasdas, 4BDV, Tounsi et BillyDZ. Mais aussi pour que ceux qui seraient dans la même situation que moi à 17 ans ne fassent pas les mêmes conneries que moi j’ai faites. Je n’ai même pas envie de refaire mes dents, c’est devenu ma signature. Pour accompagner les jeunes dans leurs envies de se raconter et de témoigner des discriminations racistes, antisémites mais aussi anti-LGBT.

Régulièrement en 2021, nous publierons leurs témoignages (textes, images, stories) qui seront réalisés en atelier avec l’aide de nos journalistes. De quoi offrir un panorama original et vivant du quotidien de la jeunesse en France confrontée à ces discriminations.

Controverses et critiques

Certains dénoncent la banalisation des violences qu'il met en scène. Dans La Chienneté, les clashs s'enchaînent, souvent avec une intensité brutale. Et c'est précisément par ce biais que Nasdas s'est fait connaître. Il ne s'en cache pas : dans une interview à l'AFP en 2022, il raconte comment tout a commencé, quatre ans plus tôt, avec une vidéo « bête » où il « mettait une petite gifle à un copain pour rigoler ».

Depuis, les polémiques n'ont cessé de jalonner son parcours. Certaines séquences, diffusées devant des centaines de milliers de spectateurs - dont de nombreux mineurs -, choquent : remarques sexistes, nudité, agressions verbales ou physiques. Nasdas est également accusé de harcèlement.

Et la violence ne s'arrête pas à l'écran. Ses chiens sont accusés d'agressions répétées sur ceux du voisinage, selon Le Monde. Quant à ses campagnes financières spectaculaires, elles soulèvent de sérieuses questions, éthiques et juridiques.

Nasdas au Havre

NasDas est attendu au Havre, samedi 2 septembre, à l'occasion d'une journée concoctée par la C Family. Originaire de Perpignan, ce "Robin des bois" du web est connu pour redistribuer le fruit de son influence aux habitants de son quartier. Au Havre, l'événement se déroulera au Carré des Docks et clôture une semaine de jeux organisée par l'association havraise. La journée débutera à 10 heures par un meet-up entre Camille la Danseuse, influenceuse havraise, NasDas et sa "team" (Farah, Samos, Hella, 4BDV...) et leurs abonnés.

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