Un an après l'assassinat de Dominique Bernard à Arras
Le 13 octobre 2023, Dominique Bernard, un professeur de français, était assassiné par un ancien élève radicalisé devant son lycée à Arras. Un hommage lui sera rendu ce dimanche, place des Héros à Arras, à l'occasion du premier anniversaire de sa mort. Un an après, France Bleu revient sur ce drame.
Le déroulement de l'attaque
Il est 11 heures. Un homme armé de deux couteaux fait irruption ce vendredi 13 octobre dans le lycée Gambetta-Carnot d'Arras, dans le Pas-de-Calais. Il se jette sur un enseignant sur le perron de l'établissement scolaire et le poignarde. Il s'agit de Dominique Bernard, 57 ans, agrégé de lettres modernes. Le professeur succombe à ses blessures. Un deuxième enseignant est blessé devant l'entrée du lycée.
Dans la cour de l'établissement scolaire, l'assaillant blesse de plusieurs coups de couteau un agent technique, ainsi qu'un agent d'entretien. La scène est filmée. Sur les réseaux sociaux, une vidéo montre le jeune homme, pantalon noir, veste grise et capuche noire, se battre avec plusieurs adultes.
L'intervention de la police est très rapide. Les policiers arrivent quatre minutes seulement après l'alerte. Il faut dire qu'une manifestation contre la réforme des retraites est prévue ce vendredi 13 octobre. Les policiers sont déjà déployés dans la ville. Ils interpellent l'assaillant, après l'avoir maitrisé, en faisant usage de leurs pistolets taser.
Aucun lycéen n'est blessé. Les élèves sont confinés dans les classes. Deux heures après l'attaque au couteau, ils commencent à sortir de la cité scolaire. Les adolescents sont accueillis en pleurs par leurs parents qui se sont précipités devant l'établissement scolaire dès que la nouvelle s'est répandue. Une cellule psychologique est mis en place par la ville d'Arras.
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L'identité de l'assaillant
L'identité du suspect est divulguée. Il s'appelle Mohammed Mogouchkov. Il a 20 ans. Il est né en Russie. Il est arrivé en France en 2008. Il a d'abord vécu en Bretagne avec ses parents et ses quatre frères et sœurs, avant d'emménager dans une cité HLM à l'ouest d'Arras. À ses 18 ans, il a déposé une demande d'asile qui a été refusée. Il n'a pas été expulsé en raison de la protection accordée aux mineurs arrivés en France avant l'âge de 13 ans.
Mohammed Mogouchkov est un ancien élève du lycée Gambetta-Carnot. Il était fiché S et il était surveillé par la DGSI. Il avait été placé sur écoute et sous surveillance physique, et avait été contrôlé la veille de l'attaque. Rien n'a pu lui être reproché lors de ce contrôle, affirme une source policière, et les écoutes de ses conversations téléphoniques récentes n'ont pas permis de laisser penser qu'il allait passer à l'acte.
Quatre jours après l'attentat, Mohammed Mogouchkov est mis en examen pour assassinat et tentatives d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste. Son jeune frère est mis en examen pour complicité. Son cousin est aussi mis en examen. La justice le soupçonne d'avoir eu connaissance de l'attentat et de n'avoir rien fait pour l'empêcher.
La cible de l'attaque
Mohammed Mogouchkov visait précisément Dominique Bernard. C'est ce qu'il avoue lors de l'un des interrogatoires par le juge d'instruction chargé de l'affaire. Il représentait un symbole des valeurs qu'il voulait attaquer. Ce n’est pas l’homme Dominique Bernard après qui l’assaillant en avait. "Je n’avais pas de problème particulier avec lui ", déclare-t-il au juge, mais son métier.
"C'est l'une des matières où on transmet la passion, l'amour, l'attachement du système en général, de la République, de la démocratie, des droits de l'homme", affirme le jeune homme. Non seulement le suspect avait choisi sa cible, mais il avait spécifiquement décidé de passer à l'acte un vendredi, jour symbolique pour l'islam. Il a "planifié" l'attaque, effectué des repérages "des vendredis précédents" et acheté "deux couteaux pliants". Une attaque planifiée avant l'attaque du Hamas en Israël.
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Réactions et hommages
C'est l'effroi chez les enseignants. "Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, on a encore un professeur qui est assassiné parce qu'il est enseignant et parce qu'il est dans son lycée", dit en larmes sur France Bleu Nord, Sophie Vénétitay, enseignante et secrétaire générale du syndicat du second degré, SNES-FSU. "Il faut que tout le monde entende la gravité de ce qui vient de se passer. Encore une fois, c'est l'école qui est attaquée. Des professeurs sont attaqués parce qu'ils font ce métier-là. Donc forcément, il y a beaucoup d'émotion, beaucoup de sidération", ajoute-t-elle.
Le président de la République dénonce "la barbarie du terrorisme islamiste" et appelle les Français à rester "unis" et à "faire bloc" après cette nouvelle attaque. L'Assemblée nationale suspend ses travaux et observe vers 15h une minute de silence pour rendre hommage à Dominique Bernard, le professeur de français tué, et aux autres victimes de l'attentat.
Un peu plus de 2000 personnes se sont rassemblées sur la place des Héros d’Arras (Pas-de-Calais) pour rendre hommage au professeur de lettres. « L’année a été très difficile pour nous et c’était une belle cérémonie, lâche un de ses collègues, les yeux rougis, en quittant le lieu de l’hommage. Cela nous fait du bien d’être tous ensemble »
« C’est un devoir d’être présent ce matin pour saluer le courage et le dévouement de Dominique Bernard, nous confie la femme de 67 ans. Un professeur est un symbole de la République. On croyait Arras à l’abri du terrorisme mais on a pris conscience que cela pouvait frapper n’importe quel endroit. C’est réconfortant d’être nombreux pour cet hommage, de montrer le respect que l’on doit à Dominique Bernard et à sa famille, notamment son épouse qui fait preuve d’une admirable dignité. Il faut aussi lui rendre hommage. »
Si elle n’a pas pris la parole, Isabelle Bernard, la veuve de Dominique, était très présente dans les pensées, elle qui avait souhaité cette cérémonie placée sous le signe de la culture. « Je ne veux plus de discours. À quoi bon ? Tout a été dit », expliquait-elle dans une interview au Monde. « Je suis admiratif des mots et du courage exceptionnel de Mme Bernard », salue ce dimanche matin Michel Dollet, le maire Boiry-Becquerelle, une commune voisine.
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Renforcement de la sécurité
Le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, décide de renforcer de la sécurité aux abords des écoles, des collèges et des lycées. Il fait passer plusieurs consignes, comme limiter les attroupements, interdire le stationnement des voitures devant les établissements scolaires, ou encore le contrôle des sacs des élèves à l'entrée.
Depuis l'attentat d'Arras, 400 établissements scolaires ont été sécurisés en France avec la mise en place de caméras, de portiques anti-intrusion, ou encore d'alarmes. Des formations ont aussi été dispensées pour les personnels. Il reste encore à sécuriser une centaine d'établissements scolaires jugés à risques, a affirmé il y a quelques jours sur RTL l'actuelle ministre de l'Éducation nationale Anne Genetet, qui a réuni ce mercredi les recteurs d'académie pour évoquer le sujet.
Qui était Dominique Bernard ?
Des petites lunettes, des chemises à carreaux et une irrépressible envie de transmettre. Dominique Bernard est mort vendredi 13 octobre sur le seuil du lycée où il enseignait les lettres depuis une quinzaine d’années, à Arras, dont il était originaire. Tué à l’arme blanche par un homme qui a crié «Allah Akbar» au moment où il le frappait à terre. Et qui ne le visait pas, lui.
Agrégé de lettres modernes, Dominique Bernard avait 57 ans et avait fait toute sa carrière dans les Hauts-de-France, où il avait fondé l’Université populaire du Nord-Pas-de-Calais. Désormais en BTS à Lille, Elsa l’a eu comme prof au lycée et se souvient qu’il avait «toujours le sourire» : «On passait des récrés avec lui à blaguer, c’était un très bon prof. Ça me fait mal au cœur.» Dominique Bernard, c’était le genre de profs dont les élèves prennent des photos à la fin de l’année, pour se souvenir des cours. Le genre à garder des liens avec ses élèves une fois qu’ils prenaient leur envol et quittaient la cité scolaire. Le genre à multiplier les recommandations de bouquins à lire pour s’ouvrir l’esprit.
Devant l’établissement, Grégoire, aujourd’hui en CAP pâtisserie, parle d’une voix émue, mains posées sur les anses de son sac à dos. «Je ne l’ai jamais eu en cours, mais je l’ai souvent croisé dans les couloirs, raconte le gamin de 16 ans. J’ai l’image d un homme très sympa et très joyeux. Qui vivait sa vie, tranquillement.» Dominique Bernard était marié à une prof et père de trois enfants.
David Verhaeghe, prof d’EPS, blessé et en «urgence relative» vendredi en même temps que le cuisinier de l’établissement et un agent d’accueil et d’entretien, est de la même trempe que son collègue de français. «Il était toujours très gentil», raconte Lenaïck. Actuellement en première, la jeune fille a eu David Verhaeghe trois ans de suite entre la 5e et la 3e : «Il nous parlait souvent. Ma mère et moi on le rencontrait dans des réunions parents professeurs. Il était investi et il voulait qu’on réussisse.» Devant le lycée, les élèves demandent des nouvelles de leur prof d’EPS. Tous décrivent un enseignant super investi.