Winston Churchill : Une Famille Marquée par la Grandeur et les Épreuves
Celia Sandys : Gardienne de la Mémoire Familiale
Fille de Diana Churchill, l'aînée de sir Winston et de lady Clementine, et du baron Edwin Duncan-Sandys, Celia Sandys s'est muée au fil des années en vestale de la mémoire familiale. Née au cœur du conflit, en mai 1943, Celia Sandys fut l'enfant de l'espoir de la victoire.Cinquante ans après la mort de son grand-père, Celia Sandys se souvient. Entre vénération et amusement, elle raconte les ultimes excentricités du vainqueur de Hitler. Elle en a même fait un business, promenant, chaque année, de riches touristes sur les traces de son aïeul.
Anecdotes et Souvenirs de "Grandpa"
Celia garde un souvenir vif des dernières années de son grand-père. "Grandpa" était un homme politique de génie, rarement correct. Pour chacun, il était l'homme qui, à force de détermination et de courage, avait sauvé le monde libre. Pour Celia, il était juste "Grandpa" - un grand-père facétieux qu'amusait toujours la comédie du monde."Grandpa aurait détesté l'époque actuelle - il avait le politiquement correct en horreur." Dans les années 1960, où l'esprit gambadait librement, l'expression n'existait pas mais, à coup sûr, eût-il vécu quelques années de plus, cet amateur de bons mots et acrobate de l'art oratoire aurait pu l'inventer.
Rencontre avec Onassis et Vie à la Pausa
La villa La Pausa, ancienne demeure de Coco Chanel à Roquebrune-Cap-Martin, devenue propriété de l'éditeur de Churchill, Emery Reves, est la thébaïde du vieil homme dans ses dernières années. "C'est là, un soir, qu'il rencontre, lors d'un dîner, Aristote Onassis, se souvient sa petite-fille."Entre l'homme le plus célébré du monde et l'homme le plus riche du monde, la rencontre est chaotique. Ils se disputent vite à propos de la querelle entre la Grèce et la Turquie. La séparation est glaciale. Mais, dès le lendemain, Onassis présente ses excuses et invite Winston et les siens à une croisière sur le Christina.
Aristocrate - il a vu le jour au palais de Blenheim - issu de la prestigieuse lignée des Malborough, Churchill ne dédaigne pas le confort, a fortiori le luxe, même un brin tapageur. Il devient un invité régulier. "Il était tout sauf intimidant, se souvient Celia. On oublie souvent que Winston était à moitié américain par sa mère, et au fond assez relax."
Noëls Joyeux et Francophilie
Les Noëls sont joyeux dans le Kent. "Au lendemain du réveillon, Grandpa demande à tous ses petits-enfants de réunir les cadavres des bouteilles vides et, derrière son chevalet, il compose une nature morte."Francophile, mais patriote avant tout, Churchill adorait la France. "Cette francophilie ne l'a jamais quitté. Durant la guerre, au sortir d'une de ses plus vives algarades avec de Gaulle, il lance (en français mâtiné d'accent british), exaspéré mais admiratif: "Il est magnifique!""
Lire aussi: Gene Tierney : biographie et carrière
L'Héritage de Churchill Vu par un Arrière-Arrière-Petit-Fils
Finalement, le plus bel hommage aura été rendu par un arrière-arrière-petit-fils de Winston Churchill, un garçonnet de 7 ans prénommé John-Winston. "Comme un journaliste lui demandait qui était son aïeul, raconte son père, Randolph, mon petit Johnny s'est dressé tout droit sur la pointe de ses mocassins et a dit fièrement: "C'est lui qui a gagné la guerre.""Sarah Churchill : Une Vie Tourmentée
À l'inverse de ses sœurs Diana et Mary, Sarah ne se voit pas en femme d'intérieur. Énergique, caustique et charmeuse, elle cultive un côté rebelle et fuit la vie snob de la gentry britannique."C'est elle qui hérita du génie de son père", estime l'historienne Rachel Trethewey dans Winston et ses filles, la biographie qu'elle consacre aux trois filles du Premier ministre britannique. "Toujours sur le point de réussir, elle aurait pu devenir une célèbre star de cinéma mais elle n'y parvint jamais : sa tendance à l'autodestruction sabota son talent", estime l'autrice.
Une Enfance Difficile et un Esprit Rebelle
Dès son enfance, le destin s'acharne. Née juste au début de la Première Guerre mondiale, la petite Sarah contracte la tuberculose. Les médecins se trompent de diagnostic et décident de lui enlever les amygdales en l'opérant directement dans la salle de bains du manoir familial, dans le Sussex.La petite Sarah devient hystérique en voyant le masque de chloroforme et on doit la plaquer au sol pour l'empêcher de s'enfuir… Elle en gardera une aversion pour tous ceux qui tenteront de restreindre sa liberté.
Carrière et Mariages Tumultueux
Au grand dam de ses parents, elle décide de se lancer dans le music-hall, fréquente une école de danse, où elle apprend les claquettes et décroche une place dans la troupe du fameux imprésario Charles Blake Cochran. Et choque à nouveau ses parents en tombant sous le charme de Vic Oliver, un comédien juif autrichien de dix-huit ans son aîné, deux fois divorcé, qui veut faire d'elle une star - elle sera toujours en quête d'hommes mûrs ou d'une figure paternelle de substitution.Les Churchill sont consternés, Winston sermonne sa fille en qualifiant son amant de « vagabond itinérant », laquelle réplique en abandonnant sa famille pour rejoindre Vic aux États-Unis en 1936.
Le mariage ne tiendra pas… Une fois rentrés en Angleterre, Vic et Sarah courent le cachet, lui à la BBC, elle dans les théâtres, enchaînant les succès mais avec des emplois du temps surchargés et une sourde rivalité qui vient ronger leur couple. Sarah prend son envol, échappe peu à peu à ce mari pygmalion, et décide de le quitter dès 1941.
Service Militaire et Liaisons Dangereuses
Comme pour tourner la page, Sarah s'engage alors dans les auxiliaires féminines de l'armée de l'air et accompagne également son père aux conférences du Caire et de Téhéran. En privé, elle noue une liaison secrète avec l'ambassadeur américain Gil Winant, de vingt-cinq ans son aîné, lequel finit par se suicider à la fin de la guerre, dépressif et malade.Sarah ne peut s'empêcher de culpabiliser : « Il semble que je dois toujours blesser la personne qui m'aime », écrit-elle à son père.
Lire aussi: Gilberto Gil : Un musicien brésilien influent
Hollywood et Descente aux Enfers
Elle retrouve l'amour dans les bras du photographe mondain Anthony Beauchamp, qu'elle épouse en 1949, à l'insu de ses parents. Le couple s'installe aux États-Unis, fréquente le Tout-Hollywood. Anthony photographie les stars, Sarah accumule les succès, fait la couverture de Life, tourne Mariage royal au côté de Fred Astaire, puis Hamlet pour la télévision, redevient un bon sujet pour la presse américaine.Mais, en coulisse, son mariage bat de l'aile ; le couple est très souvent séparé pour raisons professionnelles ; disputes et réconciliations se succèdent, Sarah se met à boire, c'est l'échec, ils mènent une vie séparée. Jusqu'au nouveau drame : en août 1957, elle apprend le suicide d'Anthony, à seulement 39 ans.
Pour Sarah, c'est le début d'une descente aux enfers. En janvier 1958, elle est arrêtée en état d'ébriété, les photos font le tour du monde, elle part suivre une cure en Suisse. En vain, l'alcool reste pour elle une échappatoire au chagrin et aux dépressions…
Dernières Années et Décès
Elle pense avoir enfin trouvé la paix en croisant la route du baron Lord Audley, un artiste aussi sensible qu'elle. Les Churchill respirent et espèrent que leur fille goûtera enfin au bonheur… Elle l'épouse en 1962, s'installe à Marbella (Espagne) et profite enfin d'une vie de couple apaisée.Mais, un an plus tard, son mari succombe à une hémorragie cérébrale. Le sort s'acharne. Sarah est effondrée, d'autant plus qu'elle perd, peu après, sa sœur Diana, son roc et son amie… Elle part vivre un temps à Rome, tombe dans les bras d'un chanteur noir américain, publie ses mémoires et des poèmes, The Empty Spaces, qui remportent un certain succès - même Margaret Thatcher dira les avoir appréciés.
Elle trouve du réconfort dans la foi mais surtout dans l'alcool, qui devient le grand compagnon de sa solitude - elle est sobre uniquement quand elle rend visite à sa mère, Clémentine. Elle meurt en septembre 1982, à 67 ans, d'une cirrhose et d'une insuffisance rénale.
Lire aussi: John Wayne : Cinéma et Famille