Molière : "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" : une analyse approfondie
Molière ⁚ "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" ⁚ Une Analyse de la Phrase
La célèbre réplique « Que diable allait-il faire dans cette galère ? », issue desFourberies de Scapin, illustre parfaitement le génie comique de Molière; Prononcée à de multiples reprises par Géronte, elle traduit son incompréhension face à la situation absurde dans laquelle se trouve son fils. L'expression, répétée sept fois, souligne l'exaspération du personnage et le caractère farcesque de l'intrigue. Elle dépasse le simple cadre de la pièce pour devenir une expression courante, synonyme de déconvenue et d'étonnement face à une situation imprévue.
L'Origine de la Citation dans "Les Fourberies de Scapin"
La phrase emblématique "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" trouve son origine dans la comédie-balletLes Fourberies de Scapin, écrite par Molière en 1671. Elle est prononcée par Géronte, un personnage avare et colérique, confronté à une situation rocambolesque orchestrée par Scapin, le valet rusé. Le fils de Géronte est soi-disant retenu prisonnier par des Turcs, situation qui nécessite une rançon importante. L'interrogation désespérée de Géronte, répétée à plusieurs reprises, exprime son incompréhension face à l'absurdité de la situation et à l'imprudence de son fils. La répétition de cette phrase, fonctionnant comme un leitmotiv, amplifie l'effet comique et souligne la frustration du personnage. Elle est intrinsèquement liée à l'action de la pièce, servant à la fois à exprimer l'état émotionnel de Géronte et à commenter l'intrigue principale. L’expression, née de ce contexte précis, a transcendé son origine théâtrale pour devenir une expression idiomatique française.
La Répétition et son Effet Comique ⁚ L'Exaspération de Géronte
L'efficacité comique de la réplique "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" repose en grande partie sur sa répétition incessante par Géronte. Cette répétition, un procédé rhétorique fort, met en lumière l'exaspération croissante du personnage face à l'absurdité de la situation. Chaque répétition amplifie son désarroi, son incompréhension et son impuissance. Molière exploite ici le comique de répétition, un ressort classique de la farce, pour amplifier l'effet humoristique. L'accumulation de cette exclamation, loin d'être lassante, accentue le caractère burlesque de la scène et la caricature du personnage de Géronte. Le public rit non seulement de la situation elle-même, mais aussi de la réaction stéréotypée et excessive de Géronte. Cette répétition n'est pas gratuite ; elle sert à souligner la profondeur de son embarras et son incapacité à comprendre les événements. Elle contribue ainsi à la construction d'un personnage mémorable, incarnant l'incompréhension face à l'imprévu et à l'absurde. La répétition devient ainsi un outil comique puissant, révélateur de l'état émotionnel du personnage.
L'Ironie et la Critique Sociale ⁚ La Stupidité de la Situation
Au-delà de l'aspect comique, la réplique "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" révèle une pointe d'ironie et une critique sociale subtile. L'ironie réside dans le décalage entre la gravité apparente de la situation – un fils supposé enlevé par des pirates – et la nature absurde et artificielle de l'intrigue. Géronte, par son incapacité à comprendre la supercherie de Scapin, incarne une certaine naïveté, voire une stupidité face aux événements. Molière met ainsi en lumière la vanité et l’aveuglement de certains personnages, critiquant implicitement les comportements humains et les situations sociales. L'expression "dans cette galère", métaphore de la situation délicate, souligne l'aspect ridicule et artificiel du danger couru par le fils. La répétition de la question par Géronte accentue cette ironie, soulignant son incapacité à saisir la complexité de la situation et la finesse de la supercherie. Cette critique sociale, dissimulée derrière l'humour, rend la pièce plus profonde que la simple farce. La comédie sert ainsi de support à une réflexion sur l'absurdité de certaines situations humaines et les travers de certains personnages.
L'Analyse de la Phrase ⁚ Un Sens Multidimensionnel
L'expression "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" possède une richesse sémantique remarquable. Elle exprime à la fois l'incompréhension, la frustration et l'exaspération de Géronte face à la situation rocambolesque de son fils. La métaphore de la "galère" évoque une situation difficile et inattendue, mettant en lumière l'absurdité des événements. L'analyse de la phrase révèle la complexité du propos moliéresque, entre humour et critique sociale.
"Que diable ?" ⁚ L'Interrogation Incrédule et l'Expression de la Frustration
L'interrogation "Que diable ?" introductive à la phrase de Géronte est loin d'être anodine. Elle traduit avant tout l'incrédulité et le trouble du personnage face à la nouvelle de l'enlèvement (supposé) de son fils. L'emploi de "diable" souligne non seulement l'étonnement et le désarroi, mais aussi une certaine colère contenue. Ce terme, chargé de connotations religieuses et populaires, renforce l'expression de la frustration et de l'impuissance de Géronte. Il suggère une incompréhension profonde face à l'absurdité de la situation, une situation qui dépasse sa compréhension et qui le laisse désemparé. L'exclamation, impulsive et spontanée, reflète l'état émotionnel immédiat du personnage, sa perplexité face à une série d'événements qu'il juge inexplicable et injuste. En outre, l’utilisation de cette expression familière, voire populaire, contribue à la caractérisation de Géronte comme un personnage exaspéré, à la fois par la situation et par son propre manque de maîtrise sur les événements. L'exclamation "Que diable ?" est donc bien plus qu'une simple interrogation ; elle est le révélateur d'une émotion complexe, mêlant incrédulité, frustration et colère.
"Allait-il faire ?" ⁚ L'Impuissance et l'Incompréhension Face à l'Absurde
La partie "Allait-il faire ?" de la phrase moliéresque creuse davantage le sentiment d'impuissance et d'incompréhension de Géronte. Ce verbe au conditionnel passé, "allait-il faire", introduit une incertitude, une tentative de comprendre une action passée qu'il juge inexplicable. L'emploi du conditionnel souligne le caractère hypothétique de la situation, renforçant l'impression d'absurdité. Géronte ne cherche pas seulement à comprendrequoi son fils a fait, maispourquoi il s'est retrouvé dans cette situation périlleuse. L'interrogation implicite, "Que diable allait-il fairelà ?", met en lumière l'incompréhension de Géronte face au comportement de son fils et à la logique (ou plutôt l'absence de logique) des événements. Cette partie de la phrase exprime non seulement l'incapacité de Géronte à comprendre les actions de son fils, mais aussi son impuissance face à la situation. Il est confronté à une absurdité qu'il ne peut saisir, son interrogation reflétant son incapacité à contrôler ou à influencer le cours des événements. La formulation souligne son sentiment d'impuissance face à la force des circonstances et à l'imprévisibilité du destin.
"Dans cette galère ?" ⁚ La Métaphore de la Situation Délicate et Inattendue
La conclusion de la phrase, "dans cette galère ?", est une métaphore puissante qui cristallise le sens de l'ensemble. "Galère", évoquant un navire à rames, symbole de souffrance et d'épreuve, représente ici la situation difficile et inattendue dans laquelle se trouve le fils de Géronte. Cette image, forte et imagée, renforce le caractère extraordinaire et presque incroyable des événements. Le terme "galère" suggère non seulement une situation pénible, mais aussi un piège, une situation dont on a du mal à s'échapper. La métaphore est particulièrement efficace car elle transporte le spectateur dans un univers maritime, évoquant des dangers et des péripéties lointaines. Cette image contribue à amplifier l'effet comique, en juxtaposant l'absurdité de la situation à l'imagerie maritime classique. L'utilisation de cette métaphore souligne également le sentiment d'impuissance de Géronte face à une situation qu'il perçoit comme un désastre. La "galère" représente ainsi non seulement le danger physique couru par son fils, mais aussi le désespoir et l'embarras de Géronte lui-même, confronté à une situation qu'il juge inexplicable et injuste.
Le Contexte Historique et Biographique de Molière
Comprendre la phrase de Molière nécessite de replacer son œuvre dans son contexte historique et biographique. Écrite en 1671,Les Fourberies de Scapin reflète la société française du XVIIe siècle. La vie mouvementée de Molière, entre succès et difficultés, influence probablement la création de ses personnages et de ses dialogues. Son engagement social se retrouve dans ses comédies, dont la portée dépasse souvent le simple divertissement.
La Vie de Molière et ses Influences sur son Œuvre
Pour appréhender pleinement la profondeur et la richesse de la phrase "Que diable allait-il faire dans cette galère ?", il est crucial de considérer la vie et le parcours de Molière lui-même. Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière, a connu une existence riche en rebondissements, marquée par des succès éclatants mais aussi par des périodes de difficultés et d'épreuves. Né dans un milieu bourgeois, il a pourtant choisi une carrière théâtrale, défiant les conventions sociales de son époque. Cette audace et cette volonté de s'affranchir des normes sociales se reflètent dans ses œuvres, notamment dans la construction de personnages complexes et attachants, même s'ils sont parfois caricaturaux. Les difficultés rencontrées par Molière, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel, ont probablement nourri son inspiration et influencé sa vision du monde. Son expérience de la vie, faite de hauts et de bas, se retrouve dans la finesse psychologique de ses personnages et dans la complexité de ses intrigues. La capacité de Molière à mettre en scène des situations humaines et des conflits sociaux avec justesse et humour trouve certainement son origine dans cette vie riche et mouvementée. Son œuvre, et cette phrase en particulier, témoigne d'une profonde compréhension de la nature humaine et de ses contradictions.
Le Théâtre de Molière et son Engagement Social
Le théâtre de Molière, loin d'être un simple divertissement, se révèle être un formidable outil de critique sociale. Ses comédies, souvent burlesques et hilarantes, cachent une réflexion profonde sur les mœurs de son époque et les travers de la société française du XVIIe siècle. Molière n'hésite pas à dénoncer l'hypocrisie, la vanité, l'avarice, et la bêtise humaine à travers ses personnages hauts en couleur. Son engagement social se manifeste dans son audace à critiquer les institutions et les conventions sociales, même si cela lui a valu des ennemis puissants.Les Fourberies de Scapin, et la phrase qui nous intéresse, s'inscrivent dans cette perspective. La situation absurde dans laquelle se trouve le fils de Géronte, et l'incompréhension de ce dernier, peuvent être interprétés comme une satire de la société, mettant en lumière la vanité de certaines ambitions et la fragilité des structures sociales. Molière, à travers son humour corrosif, n'hésite pas à pointer du doigt les défauts humains et les injustices sociales. Son théâtre, à la fois divertissant et instructif, continue de résonner aujourd'hui, invitant le spectateur à une réflexion sur les travers humains qui traversent les époques.
La Postérité de la Phrase et son Utilisation Actuelle
La phrase "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" a traversé les siècles et continue de résonner dans la langue française contemporaine. Devenue une expression idiomatique, elle est utilisée pour exprimer l'étonnement, l'incrédulité, et l'incompréhension face à une situation délicate, imprévue, et souvent absurde. Sa popularité témoigne de la puissance et de la justesse de la formule moliéresque, capable de traduire avec précision un sentiment universel. L'expression, initialement liée au contexte précis de la pièce, a décontextualisée pour s'appliquer à une multitude de situations. On la retrouve dans les conversations quotidiennes, dans les œuvres littéraires, et même dans le langage politique, pour exprimer la surprise face à un événement inattendu ou à une décision incompréhensible. Sa pérennité prouve la force de l'écriture de Molière, capable de créer des phrases qui, plus de trois siècles plus tard, conservent toute leur pertinence et leur force expressive. La puissance de cette expression réside dans sa capacité à exprimer, de manière concise et imagée, une émotion complexe et partagée par tous. Elle témoigne de l'impact durable de l'œuvre de Molière sur la langue et la culture françaises.