Benito Mussolini: Enfance, Famille et Héritage

Benito Mussolini est né le 29 juillet 1883, à Predappio, dans la région de l'Emilie-Romagne, en Italie, dans une famille modeste. Fils d’un père activiste et d’une mère pieuse, son destin est marqué par la tension de forces contraires.

Une Famille aux Idéaux Contrastés

Dans le village de Predappio, la maison du forgeron Alessandro Mussolini était connue pour être le refuge des activistes de gauche traqués par la police. Le fils aîné du forgeron, Benito, alors âgé d’une dizaine d’années, assistait et vibrait à ces moments d’émotion. De tout son cœur d’enfant, il communiait dans la foi révolutionnaire des adultes. Son père, Alessandro, un autodidacte, "est un anarchiste fiché par la police comme dangereux pour la société et la sécurité publique", raconte l’historien Pierre Milza dans sa biographie Mussolini (éd. Fayard, 1999). Mais ce père parfois brutal et coureur de jupons est vénéré par ses trois enfants, Benito, son jeune frère Arnaldo et sa sœur Edvige. Il leur lit des extraits de livres qu’il possède, comme Les Misérables de Victor Hugo, mais aussi des textes de Karl Marx.

La mère, Rosa, née Maltoni, est catholique. Une femme très pieuse, issue d’un milieu où règnent l’ordre et la morale. Elle est aussi l’institutrice du village. Mais ni ses maigres émoluments de maîtresse d’école, ni les revenus qu’Alessandro tire de sa forge ne leur apportent une aisance financière. En dépit de leur pauvreté, les Mussolini n’appartiennent pas à la masse misérable des braccianti, ces ouvriers agricoles qui n’ont que leurs bras pour vivre. "Ils se situent plutôt aux franges de la petite bourgeoisie provinciale", note Pierre Milza. On s’exprime chez eux en italien plutôt qu’en patois romagnol, parlé dans toutes les chaumières de la province. Benito se voit enseigner des rudiments de latin et il apprend aussi à jouer du violon. Autant de «marqueurs» qui le distingueront des classes populaires.

Dans un livre publié en 1932, intitulé Vita di Arnaldo, Benito Mussolini évoque les repas de son enfance, "composés, pendant toute la semaine, d’une soupe de légumes à midi et d’un plat de chicorée le soir". Peu de confort dans cette existence : "Arnaldo et moi couchions alors dans la même chambre et dans le même lit de fer construit par mon père, sans autre matelas qu’un sac de feuilles de maïs".

Un Enfant Turbulent

A 9 ans, Benito Mussolini est placé dans un institut, à Faenza, en Emilie- Romagne. Lui-même se décrit comme "un gamin agité et batailleur, chef d’une petite bande de gredins qui sévissaient au long des routes ou à travers champs". En clair, la discipline n’est pas son fort. Au sortir des classes élémentaires, en 1892, ses parents le placent dans un institut religieux, à Faenza, où il subit chaque jour une humiliation qu’il n’oubliera pas. Au réfectoire, on le relègue à la table des élèves pauvres, qui ne peuvent payer que 30 lires de pension par mois. Puis, au bout de deux ans, il est renvoyé avec perte et fracas pour avoir blessé un de ses camarades à la main, d’un coup de couteau, lors d’une bagarre. Il est ensuite inscrit au collège Carducci de Forlimpopoli, un établissement laïque, mais là encore, il est intenable !

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Cette fois, contre toute attente, Benito s’en sort mieux. La direction du collège consent à le garder, mais seulement comme externe, c’est-à-dire qu’il lui faut trouver une chambre où loger en ville. C’est ainsi que, jeune adolescent, il commence à fréquenter avec assiduité les bars et les bals, et effectue, selon ses mots, "le sacrifice de sa virginité" à une prostituée. Le début d’un intérêt pour les femmes, qui seront, jusqu’au bout, l'une des grandes passions de sa vie.

Bien que colérique et rebelle à l’ordre, il apprend vite, travaille beaucoup, s’initie au français, à l’allemand, et fait preuve d’une curiosité d’esprit au moins égale à ses appétits sexuels. A l’examen final de sa promotion, il obtient les meilleures notes en histoire, en littérature italienne et, talent méconnu, en chant ! Dans le courant de l’année 1901, après avoir passé l’ultime étape de la formation d’élève instituteur, il décroche le diplôme lui permettant d’enseigner. Mais il ne sera pas plus discipliné comme professeur que comme élève. Il est nommé, en février 1902, maître suppléant à l’école élémentaire de Pieve Saliceto, entre Reggio Emilia et Mantoue.

"Il y sème le scandale par ses discours anarchistes, les beuveries homériques et les cuites cycloniques auxquelles il s’adonne en compagnie de camarades de rencontre", raconte Pierre Milza. Il provoque, en outre, de nombreux pugilats dans les bals de la région, en particulier à cause de sa liaison avec une femme mariée. A Tolmezzo, dans la région du Frioul, où il est envoyé par la suite, il affiche la même conduite, avec une circonstance aggravante. Chahuté par ses élèves, Mussolini jure devant eux comme un charretier «de façon obscène», à en croire le journal catholique local.

L'Ascension Politique

"Le futur dictateur n’est jamais sorti du chaudron insurrectionnel dans lequel il est tombé enfant", décrypte Maurizio Serra. Dans l’Italie des débuts du Novecento (années1900), qui peine à s’industrialiser et où domine la figure de Giovanni Giolitti, politicien bourgeois et conformiste, il reste foncièrement un révolté, comme il le confiera bien plus tard, en 1932, à l’écrivain allemand Emil Ludwig : "J’avais sous les yeux les souffrances de mes parents. A l’école normale, j’avais été humilié, alors j’ai grandi comme révolutionnaire, avec les espoirs des déshérités. Qu’aurais-je pu devenir d’autre que socialiste à outrance ?"

Il ne faut pas, en effet, se représenter Mussolini comme un paisible lecteur de revues progressistes, ou un réformateur attaché au changement graduel de la société. "Il fut, au contraire, un homme de coups de main et de coups de sang", ajoute Maurizio Serra. Un dévoreur de livres qui ne retient de ses lectures que la "nécessité de la violence". Chez l’économiste italien Vilfredo Pareto (1848-1923), par exemple, il trouve matière à renforcer sa haine de la démocratie libérale. Au sein du jeune Parti socialiste italien (PSI), dont il est membre depuis ses 17 ans, Benito Mussolini incarnera toujours l’aile la plus extrême. L’une des clés de son évolution vers le fascisme.

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Entre juin 1902 et novembre 1904, il séjourne en Suisse pour fuir le service militaire, et parfaire, comme agitateur, ses idées révolutionnaires auprès des nombreux travailleurs italiens immigrés. Il se révèle alors un formidable meneur d’hommes, puis se lie avec des personnalités importantes du socialisme international, dont l’activiste russe Angelica Balabanoff (1878-1965), proche de Lénine, et qui restera des années durant son mentor et sa conseillère. Il s’initie, avec verve, au journalisme politique, fournit des articles à des feuilles de chou propagandistes telles que L’Avvenire del lavatore, Proletario, L’Avanguardia socialista. Il collectionne aussi les arrestations pour incitation à la grève, injures, troubles sur la voie publique…

A son retour en Romagne, Benito Mussolini s’est forgé une renommée qui aide à sa rapide ascension au sein du PSI. En quelques années, après s’être acquitté de ses dix-huit mois d’obligations militaires, soi-disant en hommage à sa mère récemment décédée, il s’impose comme le numéro deux du parti, et devient surtout le charismatique leader de sa faction la plus radicale. En 1912, devenu directeur d'Avanti !, le quotidien officiel du parti, il réussit, avec son style inimitable, à multiplier les ventes par cinq, le faisant passer de 20 000 à 100 000 exemplaires.

La Première Guerre Mondiale et le Basculement

Alors que le parti socialiste, pacifiste, opte pour la non-intervention, Mussolini se déclare au contraire interventionniste, et favorable à l’alliance avec la France et la Grande-Bretagne. Il voit dans ce conflit l’occasion de forger non pas un parti de masse, mais un groupe de militants endurcis, comme le désirait l’un de ses maîtres à penser, Auguste Blanqui (1805-1881), révolutionnaire socialiste français. Chassé du PSI et de Avanti ! pour ses positions militaristes, il crée alors son propre quotidien, Il Popolo d’Italia, financé par des industriels italiens trop heureux de diviser ainsi la gauche. C’est le coup d’envoi de la dérive nationaliste qui, par glissements successifs, va conduire au fascisme.

"Ce revirement politique présuppose un Mussolini sans scrupule et sans allégeance idéologique. Cette 'trahison' deviendra une accusation constante de la gauche antifasciste avant et après l’instauration du régime", analyse Maurizio Serra. De retour du front des Alpes, à l’automne 1917, où il a été blessé par l’explosion d’un mortier lors d’un exercice, Mussolini promet aux anciens combattants "le droit" de gouverner l’Italie. Il participe, un an plus tard, au défilé de la victoire à Milan, entouré d’une garde prétorienne constituée d’Arditi del popolo (soldats du peuple), ce corps d’élite de l’armée italienne dont l’uniforme est la chemise noire.

Lors du Biennio rosso (les deux années rouges), de 1919 à 1920, le pays est frappé par une vague de manifestations. Il s’allie, dès 1920, aux partis de droite, s’attirant ainsi le soutien fervent de la bourgeoisie que le "péril rouge" effraie, avant de fonder, le 7 novembre 1921, un nouveau mouvement : le Parti national fasciste. «Par opportunisme», résume Maurizio Serra. L’historien Pierre Milza, lui, met en exergue la complexe psychologie du personnage qui, «rebelle quand il se sent isolé, brûle au contraire de s’imposer comme le premier de la classe quand il sent qu’on l’approuve». Or, en 1921, fort de militants aguerris transformés en squadristi, des «escouades» en chemises noires, Mussolini sait qu’il incarne désormais à lui seul le salut de l’Italie. Il ne lui reste plus qu’une étape : prendre le pouvoir.

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Famille et Descendance

Benito Mussolini eut plusieurs relations tout au long de sa vie. En 1914, il fréquente deux femmes : Ida Dalser et Rachele Guidi. De sa relation avec Ida Dalser, il a un fils, Benito Albino. Il épouse Rachele Guidi en 1915, avec qui il a cinq enfants : Edda (1910-1995), Vittorio (1916-1997), Bruno (1918-1941), Romano (1927-2006) et Anna Maria (1929-1968).

Ida Dalser et Benito Albino : Un Fils Oublié

L'histoire de Benito Albino Mussolini, fils illégitime de Benito Mussolini et d'Ida Dalser, est une tragédie silencieuse, un récit d'oubli et de souffrance au cœur même de l'ascension du Duce. Ida Dalser, une femme déterminée et amoureuse, fut la première compagne de Mussolini, une liaison qui donna naissance à Benito Albino en 1910. Cependant, cette relation fut rapidement occultée par l'ambition politique de Mussolini, qui se maria ensuite avec Rachele Guidi en 1915. Le fils issu de cette première union fut constamment ignoré, voire persécuté, par le régime fasciste. Privé de reconnaissance officielle, Benito Albino fut confronté à la dissimulation de son existence, son lien familial avec le dictateur étant constamment nié. Son enfance fut marquée par l'absence paternelle et une vie faite de précarité et d'isolement. La disparition brutale d'Ida Dalser, internée et décédée en 1937, accentuant le drame. Le sort de Benito Albino fut plus cruel encore : internement en asile psychiatrique et mort prématurée en 1942. Son histoire reste un symbole poignant des silences et des injustices du régime fasciste, une tragédie familiale occultée par l’histoire officielle. La marginalisation de Benito Albino illustre la cruauté et l'hypocrisie du pouvoir, un cas extrême de la réécriture de l'histoire familiale imposée par le régime fasciste. Son existence oubliée met en lumière la face sombre du pouvoir et de l'ambition démesurée.

Rachele Guidi et les Cinq Enfants Légitimes

Rachele Guidi, seconde épouse de Benito Mussolini, donna naissance à cinq enfants, dont les vies furent profondément marquées par le contexte politique exceptionnel dans lequel ils grandirent. Edda, Vittorio, Bruno, Romano et Anna Maria vécurent au cœur du régime fasciste, bénéficiant de certains privilèges mais également confrontés à une pression constante et à l’exposition médiatique inévitable. Leur éducation fut façonnée par les idéaux du fascisme, leur entourage composé de figures clés du régime. Si certains enfants, comme Edda, s'impliquèrent directement dans la sphère politique, les autres confrontèrent des destins variés. L’influence du père sur leurs vies fut omniprésente, les responsabilités et les attentes étaient considérables, la pression de maintenir l'image du régime pesant lourd sur leurs épaules. L’enfance et l’adolescence vécues dans l’opulence et le faste contrastaient fortement avec le sort de nombreux Italiens, ce qui ne pouvait que créer une distance et une fragilité dans leur perception du monde et de leur propre situation. Après la chute du régime, ils durent faire face à la condamnation publique, à la stigmatisation et aux conséquences du passé familial. Le poids de l'héritage paternel s'avéra un fardeau immense, un héritage qui marqua à jamais leurs existences, les privant de la simple expérience d’une vie familiale ordinaire, loin des regards critiques et des jugements de l’histoire.

Edda Mussolini : Une Figure Proéminente du Régime

Edda Mussolini, fille aînée de Benito Mussolini et Rachele Guidi, incarne une figure fascinante et complexe de l'Italie fasciste. Née en 1910, elle grandit au cœur du régime, bénéficiant d'une éducation privilégiée et d'une proximité unique avec son père. Son caractère affirmé et son indépendance d'esprit la distinguèrent rapidement. Plus qu'une simple enfant de dictateur, Edda devint une personnalité publique, une figure influente du régime fasciste. Son mariage avec Galeazzo Ciano, ministre des Affaires étrangères, la plaça au cœur du pouvoir. Elle fréquentait les cercles politiques les plus élevés, participant activement à la vie publique et aux événements officiels. Son style de vie extravagant, sa personnalité audacieuse et son franc-parler en firent une figure remarquée, tant admirée que critiquée. Malgré son implication dans le régime, Edda ne fut pas épargnée par les conséquences de la chute du fascisme. Le rôle joué par son mari, impliqué dans la tentative d'écarter Mussolini du pouvoir, la conduisit à la prison après l'arrestation et l'exécution de Ciano. La fin de la guerre la vit confrontée à une disgrâce publique et à la perte de son statut privilégié. Son existence fut un tourbillon entre ascension fulgurante et chute brutale, un reflet du destin tumultueux du régime fasciste italien dont elle fut une pièce maîtresse. L'histoire d'Edda Mussolini est celle d'une femme puissante, impliquée malgré elle dans les événements historiques majeurs du XXe siècle, un personnage controversé dont l'héritage reste sujet à débat. Son parcours illustre l'impact du fascisme sur la vie des individus, ainsi que la complexité des liens familiaux et des responsabilités politiques.

Vittorio, Bruno, Romano et Anna Maria Mussolini : Des Destinées Divergentes

Les quatre autres enfants légitimes de Benito Mussolini, Vittorio, Bruno, Romano et Anna Maria, connurent des destins plus discrets, mais tout aussi marqués par l'héritage familial. Vittorio, né en 1916, embrasse une carrière militaire, suivant une voie traditionnelle pour un homme de son époque et de son milieu. Son parcours, bien que lié au régime fasciste, reste relativement moins exposé que celui de sa sœur Edda. Bruno, né en 1918, connaît un destin tragique, périssant jeune durant la Seconde Guerre mondiale. Sa mort prématurée ajoute une couche de douleur à l'histoire familiale déjà endeuillée. Romano, né en 1927, choisit une voie différente, se consacrant à la musique et devenant un pianiste de jazz reconnu. Il tenta de se démarquer de l'ombre de son père, cherchant à construire une identité propre, loin de la politique. Anna Maria, la cadette, née en 1929, vécut une vie plus discrète, moins exposée que ses frères et sœurs. Leurs parcours individuels illustrent la diversité des réactions face à un héritage familial aussi lourd. Chacun, à sa manière, tenta de composer avec le poids du nom "Mussolini", de construire sa propre identité dans un contexte social et politique constamment imprégné du régime fasciste. L’expérience de la guerre et la chute du régime eurent un impact considérable sur leurs vies, les forçant à se réinventer et à trouver leur place dans une Italie en pleine mutation. Leur histoire collective est une mosaïque de choix personnels, de réussites et d'épreuves, un témoignage poignant de la complexité du destin familial sous la pression des événements historiques majeurs. Leur vie se situe dans la continuité mais aussi en rupture avec le legs controversé de leur père.

Tableau : Chronologie de la vie de Benito Mussolini

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