Isabelle Autissier et les enfants : Un regard sur ses choix et engagements
Isabelle Autissier, navigatrice et écrivaine, est une figure emblématique du monde maritime et de la littérature française. Elle est la marraine de « On va en faire toute une histoire », un concours d’écriture qui a remporté un immense succès. Les élèves de plus de 150 écoles de Bretagne et de Poitou-Charentes ont imaginé la suite de deux débuts d’histoires écrits par Isabelle Autissier. Les prix du concours seront remis, à Pontivy, le 29 avril, en présence d’Isabelle Autissier.
Isabelle Autissier sera sur scène, samedi 5 mars, salle du Présidial, à Quimperlé, à 18 h. Elle est l'auteure de “La fille du grand hiver”, aux éditions Paulsen.Dans “La fille du grand hiver”, Isabelle Autissier retrace la vie de Arnarulunguaq, une jeune femme "incroyable", "qui est née dans le Grand Nord du Groenland" et qui "va avoir un destin absolument hors du commun". Au début du 20e siècle, elle sera la première à partir en expédition du Groenland jusqu'aux États-Unis. Une femme inuite invisibilisée dans l'histoire.
Un choix de vie assumé : Ne pas avoir d'enfants
L'écrivaine qui a visité le globe à plusieurs reprises depuis son bateau a fait le choix, à titre personnel, de ne jamais donner la vie. Une décision assumée qu'elle revendiquait en juin 2019 dans le podcast Sillages des Échos. Questionnée par une jeune étudiante et cavalière de haut niveau qui souhaitait en savoir plus sur son parcours, Isabelle Autissier indiquait avoir "fai[t] exprès de ne pas avoir fait de gosse, pas parce qu['elle] n'avait[t] pas envie, mais parce qu['elle] ne pouvai[t] pas tout faire". En guise de conseil, Isabelle Autissier a estimé qu'il "faut accepter de faire" un tel choix quand on veut concilier carrière et vie personnelle sans pour autant se sentir submergé. "Si on veut tout faire, on fait tout mal", a-t-elle affirmé.
Interrogée sur la "peur du risque", l'écrivaine a indiqué que la source de cette crainte vient du "regard des autres", dont il ne faut, selon elle, pas accorder la moindre importance. "En fait, on s'en fout ! Moi, ça m'est égal. Je ne sais pas si les gens sont contents ou pas contents, je ne leur ai pas demandé leur avis", a-t-elle déclaré. Elle s'intéresse uniquement à l'avis de "[s]es pairs", des personnes avec lesquelles elle travaille, sans se soucier de ce que peuvent dire les autres sur la manière dont elle gère sa vie.
Engagement environnemental et vision du monde
Isabelle Autissier, première femme à avoir accompli un tour du monde à la voile en solitaire et présidente d’honneur de la fondation WWF France, était l'invitée de France Inter ce vendredi. Pourtant, "les explorateurs européens avaient besoin des Inuits mais ils étaient un peu le décor", explique Isabelle Autissier, "et les femmes inuites étaient soumises à leur mari". Arnarulunguaq s'est, elle, émancipée. "Elle avait cette soif de faire ce voyage", souligne l'autrice. Ce voyage durera plus de trois ans, jusqu'aux États-Unis.
Lire aussi: Découvrez Isabelle Pibouleau
Aujourd'hui, ce récit résonne avec l'actualité pour les Groenlandais qui ont une forte volonté d'indépendance, vis-à-vis du Danemark mais aussi des États-Unis, après les déclarations de Donald Trump, qui s'intéresse au Groenland pour ses ressources minières. "On voit bien qu'ils sont à la recherche de leurs origines, on voit ce retour aux traditions et ils ont envie d'être un pays indépendant", souligne Isabelle Autissier. "Ils sont là depuis bien plus longtemps que les Européens et au fond, on en parle exactement comme de la nature, c'est juste un endroit où on va se servir. Mais non, la nature a des lois et les peuples ont et veulent leurs propres lois."
Interrogée sur la suppression des zones à faibles émissions (ZFE) et la reprise du chantier de l'autoroute A69 en France, Isabelle Autissier alerte : "Nous ne pouvons pas nous permettre de tirer contre notre camp." "Toutes les mesures contre l'environnement et contre la nature vont contre les humains", rappelle la navigatrice et présidente d’honneur de la fondation WWF France. "Quand on arrête les ZFE, on va favoriser la pollution, les maladies respiratoires et ce sont les gens qui ont le moins de pouvoir d'achat qui vont souffrir le plus. Ça va contre l'histoire", estime-t-elle.
La navigatrice souhaite toutefois rester positive : "Ne nous décourageons pas. Il y a eu des hauts et des bas, dans ces questions-là, on le sait, on n'a pas d'autre choix que de continuer à se battre et on va continuer à se battre. Et oui, il y aura des temps meilleurs, parce qu'on n'a pas le choix. Les questions du climat, d'écroulement de la vie autour de nous, ça nous concerne." Isabelle Autissier dit se battre "jusqu'au bout, jusqu'au centième de degré, jusqu'à la petite espèce, c'est ça qui va nous aider à nous en tirer". Et "si on ne fait pas ça, on est juste des andouilles".
À dix jours de la a Conférence des Nations unies sur l'Océan, qui doit avoir lieu à Nice du 9 au 13 juin, Isabelle Autissier rappelle que "l'océan a fait la vie donc si on tue l'océan, on se tue nous", insiste-t-elle, déplorant les conséquences du réchauffement de la température des océans et de la pollution plastique sur la biodiversité. Elle regrette aussi la multiplication des fausses informations sur l'environnement, ces "fake news" qui "nous polluent terriblement". "La science n'est pas une opinion", rappelle-t-elle.
Un parcours exceptionnel
A noter qu'Isabelle Autissier sera présente à Saint-Malo dans le cadre de la 35ème édition du festival "Étonnants Voyageurs", dont France Inter est partenaire, du 7 au 9 juin. Le 8 mars 2014 à 00h00Elle est la première femme à avoir accompli un tour du monde à la voile en 1991. En véritable hyperactive, Isabelle Autissier n'a pas tout à fait délaissé son gouvernail. L'ancienne ingénieure a arrêté la compétition en 2000, mais passe encore deux à trois mois par an à naviguer. Et elle assume : « Il faut savoir faire des choix. J'ai fait celui de ne pas avoir d'enfants. A l'âge où j'aurais pu en avoir, je voulais faire de la course au large. »
Lire aussi: En savoir plus sur Isabelle Ory
Présidente de World Wildlife France (WWF) depuis 2009, elle s'étonne que les organisations environnementales soient à la traîne sur la parité, qui lui tient à coeur : « Au conseil d'administration, nous sommes seulement deux femmes sur onze membres. Il faut que les mentalités évoluent et que les femmes s'autorisent à briguer des postes à responsabilités. » Avec WWF, elle a mené avec succès le combat contre la pêche en eaux profondes. « C'est une belle victoire, mais il reste encore du travail », assure la navigatrice.
La navigatrice Isabelle Autissier naît le 18 octobre 1956 à Paris. Elle découvre le plaisir de naviguer dès l'enfance. En effet, c'est en Bretagne qu'elle s'initie à la voile dès l'âge de 6 ans. En 1980, elle travaille pour le CORPECUM. Sa mission consiste à effectuer des recherches sur les gros crustacés et sur les langoustines. C'est en 1991 que débute réellement son parcours hors normes dans le milieu de la navigation. Elle participe à la fondation de l’ IMOCA, une association qui rassemble les skippers de monocoques de 60 pieds. Cette même année, elle participe au BOC Challenge et devient la première femme à avoir fait le tour du monde en solitaire en course. À ce moment, son ambition se précise : elle quitte l'enseignement pour la course. En 1996, elle participe au Vendée Globe.
Isabelle Autissier pratique également l'écriture. Parmi ses livres, on peut cit Homo Loquax et Seule la mer s'en souviendra. Elle endosse aussi le rôle de présentatrice de radio : Les récits d'Isabelle Autissier sur France Inter en 2012, et In extremis jusqu'en 2016.
Lire aussi: Naissance d'une icône : Adjani