Magyd Cherfi et les enfants : Un regard sur la famille, l'identité et l'intégration
Comment penser le rôle de grand-parent aujourd’hui ? Cet été, «Libération» explore diverses facettes de la grand-parentalité (7/8). Les deux garçons de l’écrivain et fondateur de Zebda n’ont pas d’enfant mais cela ne l’empêche pas de jouer l’hurluberlu, raconteur d’histoires pour ses nièces et neveux.
Dans ses interventions, ses chansons, ses livres, Magyd Cherfi témoigne d’une blessure toujours à vif. D’un côté, il est et se sent pleinement français, façonné par l’école républicaine, passionné par la littérature, la poésie et le théâtre français et poussé dans cette direction par une mère qui veut sa réussite et donc sa pleine intégration à la société française.
Il explique vivre dans un brouillard d’injonctions contradictoires, résumées par cette exigence formulée par sa mère : Sois français, mais ne le deviens pas trop. Cette blessure, il n’est évidemment pas le seul à la ressentir. Elle est ressentie avec plus ou moins d’intensité par des milliers de jeunes nés en France de parents immigrés.
Le parcours d'un artiste engagé
Happé par l’école, il y devient amoureux de littérature, de poésie et de théâtre. Amateur de musique, il fonde avec d’autres le groupe Zebda dont il devient le chanteur. Le groupe connait un vif succès avec des tubes comme Tomber la chemise ou Le bruit et l’odeur. Après la dissolution du groupe, il continue une carrière musicale en parolier et chanteur solo.
Parallèlement, il se lance dans l’écriture et publie quatre livres à caractère autobiographique, dont le troisième, intitulé Ma part de gaulois, rencontre un vrai succès de librairie et apparait en 2016 dans la première sélection du prix Goncourt. En 2001, il est au cœur des élections municipales toulousaines avec le groupe Motivés ! à la création duquel il a activement participé.
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Livret de famille : Une exploration des thèmes de l'identité et de l'intégration
Comment échapper à la honte du nom, de la langue, de la couleur de peau, de l’accent et des vêtements de la mère… au zoo de la cité, laide, triste, oppressive ? À travers treize récits brefs et percutants, Magyd Cherfi livre son Livret de famille ponctué de portraits de famille, de portraits de compagnons, d’un autoportrait.
Le père tyrannique met les sept enfants au travail pour construire la maison individuelle salvatrice, la maison qui permettra au fils, Magyd, d’échapper au ghetto et de découvrir les filles françaises du bus scolaire. Elles sont moins farouches que les soeurs et cousines de la cité, celles qui « ne voulaient pas de nous, puisqu’elles ne voulaient pas d’elles ».
L’islam est représenté par les « bourreaux » libanais, les maîtres coraniques qui enseignent les versets et la langue arabe à coups de bâton, par les islamistes intégristes qui sillonnent les cités, ceux que le narrateur appelle : « les têtes barbelées ». L’islam est stigmatisé : « À chaque stress, on cherche le turban ». L’islam familial, c’est l’islam des pauvres, élémentaire, simple, affaibli par les prêches de l’islam de feu.
Que peut faire le narrateur, athée tourmenté par trop de contradictions ? Il se fabrique une devise : « Échapper au ghetto reubeu tout en restant beur, assumer de ne plus être musulman tout en l’étant et couper le cordon du bled pour protéger nos mères ». Ces mères dont celle de Magyd, celle à laquelle il s’adresse dans le cours du récit.
Il appelle « Maman » sa mère courage qui a le culte de l’école « l’école c’était ta religion ». Elle affronte les directeurs et l’administration scolaires pour sauver ses enfants du ghetto : « l’école à la maison faisait la concurrence au tapis de la Mecque ». Le narrateur écrit des poèmes ; il lit (il s’amuse avec les subjonctifs) ; on comprend qu’il lui faudra quitter le pays des pauvres, pour devenir le chanteur de la ville rose, Toulouse, sa ville natale.
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La relation de Magyd Cherfi avec sa mère : Amour, sacrifice et émancipation
Dans son livre, Magyd Cherfi raconte aussi l'émancipation de sa mère, qui est la mère du narrateur dans ce livre. "On se retrouve à presque 60 balais, on regarde sa mère, on se dit 'Mais attends maman, mais qui es-tu ?' Pendant toutes ces années, elle a été une mère dévouée à ses enfants, à son mari, à son père, à toute la smala masculine, comme toutes les mères (...) À partir de cette question de qui es-tu maman, j'ai compris quand même qu'il y avait une femme derrière cette mère", explique-t-il.
Il décrit également la charge mentale des femmes, "la sacrée bataille" qui reste encore à mener aujourd'hui. "Je vais souvent en Algérie et je regarde autour de moi et je me dis que le désastre c'est la situation des femmes", souligne l'artiste.
L'engagement politique et social de Magyd Cherfi
"Le grand échec de la gauche a été l'immigration car ils n'ont pas su nous faire entrer dans le récit français", souligne l'artiste Magyd Cherfi, invité du 8h20 de France Inter dimanche, à l'occasion de la parution de son premier roman, "La vie de ma mère !" chez Actes Sud. Le chanteur et écrivain y raconte, via le personnage de son livre, son rapport à ses origines : "Ce personnage, la France lui a tout donné. Il s'est construit une identité par l'école, par le savoir. Et d'un autre côté il y a cette France qui n'a rien donné à l'immensité immigrée."
Il se dit aujourd'hui "désenchanté" face notamment à la montée de l'extrême droite et dit sa déception de la gauche qui a échoué à faire reculer le racisme et n'a pas eu une politique d'intégration à la hauteur. "Je pense que non seulement la jeunesse dite issue de l'immigration est démunie mais surtout désespérée. C'est d'ailleurs pour cela qu'on peut voir des mômes de 10 ans avec une gandoura filer à la mosquée. Il y a 40 ans, je n'aurais jamais imaginé une immigration qui se replie de la sorte. J'avais même imaginé une génération laïque, laïcarde, athée, républicaine. On était en 1981 et nous rêvions", raconte Magyd Cherfi.
Aujourd'hui, la loi immigration "n'est qu'un assaut supplémentaire de ce sentiment qui fait qu'on représente une menace. Mitterrand lui-même, en arrivant au pouvoir, avait dit 'attention, il y a un seuil de tolérance'. Nous étions déjà trop le jour où nous avions cru entrer en France."
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