Pierre Poujade: Parcours et Idéologie d'un Leader Controversé

C'est en 1953 que Pierre Poujade (1920-2003) devient célèbre. L'Affiche de Pierre Poujade que nous étudions ici permet d’aborder assez largement ce que l’on appelle le « poujadisme », parce qu’elle liste de manière assez exhaustive les différents « thèmes » qui lui sont propres.

Ascension Politique de Pierre Poujade

Libraire-papetier à Saint-Céré (Lot) d’où il est originaire, il prend la tête d'un groupe de commerçants qui s'opposent de manière véhémente à un contrôle fiscal. À la tête du Comité de résistance des commerçants et boutiquiers, il entend lutter contre les « excès » et la « dictature » du Trésor Public, avec un certain succès. En novembre 1953, il fonde son propre mouvement syndical, l’Union de la Défense des Commerçants et Artisans du Lot (U.D.C.A) qui attire de plus en plus de sympathisants.

Aux élections législatives de 1956, l’Union et fraternité française (UFF) de Poujade obtient près de 12% des suffrages (2,5 millions de voix), envoyant 56 députés à l’Assemblée Nationale.

Analyse d'une Affiche de Propagande

Cette Affiche de Pierre Poujade ne semble pas s’inscrire dans un moment électoral ou syndical particulier. Une photo de Pierre Poujade occupe un quart de l’affiche (en haut à gauche), encadrée d’un liseré rouge. En bras de chemises et en action, le leader apparaît dans sa fonction de tribun, robuste, animé, énergique.

Un premier ensemble définit Poujade en réponse à la photographie et mis en évidence typographique : d’abord par ce qu’il n’est pas (« NON ! » : ni un « communiste », ni un « fasciste », ni un « aventurier »), puis plus positivement (un « homme libre »). La seconde partie (verticale) de l’affiche explique pourquoi et surtout pour qui Poujade est « dangereux » : de Gaulle et la constitution de la Vème République, les partis, les politiciens et les parlementaires, les « faux » syndicalistes complices du gouvernement, les impôts, mais aussi le « capitalisme international », les « bradeurs » de l’Empire, ceux qui exploitent les « travailleurs » ou encore l’ingérence de Moscou et de Washington.

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Autant d’ennemis contre lesquels un appel à la Résistance est ensuite lancé, qui cible aussi les « élites » et les « notables ».

Les Thèmes Clés du Poujadisme

Plusieurs éléments saillants se dégagent de l'analyse de l'affiche et du mouvement poujadiste:

• La personnalisation: Toute l’affiche entend définir l’homme qu’il est (multiples mentions de il et lui), les combats qu’il porte et les idées qu’il défend plutôt qu’elle ne fait référence à un mouvement ou à une doctrine politiques et syndicaux. La photographie n’occupe il est vrai qu’un espace relativement restreint.
• Un mouvement antisystème et anti-élites: Ensuite, qui le rangerait du côté du peuple et des travailleurs, des « vraies gens », des « oubliés », des « petits » contre les « gros ».
• Une opposition frontale: Le poujadisme se présente et se définit d’abord lui-même contre : contre le capitalisme, les élites et les « sortants », et même, dans une curieuse rhétorique, contre ceux qui sont… contre lui (qui « font barrage contre lui »).

Il est notable à cet effet que le mot le plus en évidence (gros, gras et rouge) de l’Affiche de Pierre Poujade soit un NON ! Car le message développe aussi une dialectique de la force et de la victimisation. Ainsi, Poujade est-il présenté comme un homme fort, déterminé (photographie), « dangereux » c’est-à-dire menaçant pour les privilégiés.

Hétéroclisme Idéologique

Enfin, il apparaît que le discours poujadiste - ici bien résumé - est assez hétéroclite, qui mêle des accents communistes (« travailleurs, unissez-vous »), nationalistes (dans le contexte de la Guerre Froide) contre « l’ingérence étrangère » et le « capitalisme international » ou encore impérialistes, pourtant difficilement conciliables d’un point de vue idéologique.

Poujade à Perpignan en 1955

Il est question de Pierre Poujade dans l'actualité de 1955. Les adhérents des Pyrénées Orientales de l’Union de Défense des Commerçants et Artisans (c’est le nom officiel du mouvement) remettent une motion de protestation contre « la fiscalité abusive » au préfet, Maurice Joseph Justin, et au maire de Perpignan, Félix Depardon. A Ille sur Têt et Vinça, les commerçants ont baissé le rideau de fer, à Perpignan, la moitié des magasins sont fermés.

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Le 4 avril, Pierre Poujade vient en personne à Perpignan. Sous un chaud soleil, 6000 personnes remplissent le vélodrome pour l’écouter et l’acclamer. Pierre Poujade en manches de chemise monte à la tribune. Il rappelle que la dernière fois qu’il est venu dans le département c’était en 1942 pour passer la frontière au-dessus de Banyuls et rejoindre les Forces françaises libres. Il enflamme la foule : « un Poujade ne peut rien mais des centaines de milliers de Poujade peuvent beaucoup ! ».

L'Arrivée des Députés Poujadistes à l'Assemblée

Le 12 janvier 1956, aux cris de « Sortez les sortants », 52 députés poujadistes font leur entrée à l'Assemblée. Ils sont comme un commando sans boussole parachuté en territoire ennemi. Cinquante-deux, pour la plupart commerçants (et en leur sein, une majorité d'épiciers), des artisans, des agriculteurs, des hôteliers, des VRP.

Ce lundi 2 janvier 1956, l'irruption de ces trouble-fête au verbe haut plus à l'aise derrière un comptoir que derrière un pupitre (à l'exception de Le Pen lui-même qui, deviendra, sous l'étiquette du CNI, le plus jeune rapporteur du budget de la Défense nationale, en 1958), n'est pas seulement un traumatisme pour une Assemblée où règnent en maîtres hauts fonctionnaires, avocats ou médecins, et parmi eux, combien d'anciens et futurs ministres !

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