Le système de retraite à Monaco

Alors que la France connaît une mobilisation massive face à une nouvelle réforme des retraites, l’Observateur de Monaco s’est penché sur le régime monégasque de retraite dans le secteur privé. Voici les principaux enseignements à retenir.

1. Régime et âge de départ légal

En Principauté, le régime de base pour procurer une retraite aux salariés est celui de la Caisse Autonome des Retraites (CAR) créé en 1947. Suivi de la création en 1958 du régime de la Caisse Autonome de Retraite des Travailleurs Indépendants (CARTI) qui indemnise tous ceux qui ont exercé un métier non salarié. Si la première comptabilise à ce jour un peu moins de 37 000 pensionnés, la seconde en compte un tout petit plus de 2000.

« Le choix, qui a été fait dès l’origine, était un système par point. C’est-à-dire que l’on acquiert des points qui sont valorisés. Lorsqu’on atteint l’âge de la retraite, on est rémunéré à hauteur des points que l’on a acquis au cours de sa carrière professionnelle », explique Bertrand Crovetto, directeur des CCSS depuis le 1er juillet 2021.

À Monaco, l’âge de départ légal à la retraite est de 65 ans. Cependant, il est tout de même possible de liquider sa pension - si on cesse son activité - à partir de 60 ans sans abattement. « On ne peut pas cumuler un emploi et sa pension entre 60 et 65 ans. Sauf si on a une activité vraiment partielle qui a un caractère d’appoint », précise le directeur. L’âge moyen de départ à Monaco à la retraite se situe à 62,91 ans. Sachant que 28,5% des personnes qui demandent leur liquidation ont 65 ans et plus. Un chiffre assez stable avec une évolution très lente.

Enfin, la dernière exception pour l’âge concerne les mères de familles qui ont élevé plus de trois enfants. « Elles peuvent partir à la retraite à 55 ans. Elles ont travaillé, ont accumulé un certain nombre de points et peuvent partir à la retraite plus tôt avec le nombre de points cumulés. Il s’agit d’une retraite anticipée », spécifie Vénéra Stauffer, attachée de direction en charge du domaine des retraites.

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2. Ouverture de droit à Monaco

L’ouverture de droit à Monaco peut s’exercer de deux manières différentes. Premier cas de figure : l’ouverture d’un droit autonome de la CAR pour lequel il faut avoir cotisé 10 ans et 60 mois. « Ce qui signifie qu’il faut qu’il y ait une durée d’activité de 10 ans au total entre la première fois où vous avez cotisé et la fin. Et à l’intérieur, il faut qu’il y ait 60 mois qui soient validés », détaille Vénéra Stauffer, attachée de direction en charge du domaine des retraites.

Deuxième cas de figure, l’ouverture des droits par convention ou par totalisation avec d’autres régimes. Une convention lie la Principauté et la France (pour les personnes de nationalité monégasque et française), ainsi que la Principauté et l’Italie (pour les personnes de nationalité monégasque et italienne). A chaque fois, il s’agit du même principe : il faut avoir 10 ans d’activité cumulé exclusivement en salarié au régime général sur les deux pays dont 13 mois minimum à Monaco.

« Cela va permettre d’ouvrir le droit à une pension de la CAR à Monaco, et on vous paiera les points que vous avez acquis », indique Vénéra Stauffer. Pour les personnes qui ne pourraient pas remplir les conditions de convention avec la France ou l’Italie ou du régime CARTI, la dernière option pour toucher le fruit de son travail en principauté à la retraite se réalise par le biais du remboursement de la part salariale de vos cotisations en une fois à 65 ans.

3. Valeur annuelle du point

La valeur du point est définie chaque année par le conseil d’administration de la CAR qui comprends les partenaires sociaux et le gouvernement. Généralement, elle est revue au niveau de l’inflation. « Même si ça n’a pas toujours été vrai car il y a quelquefois eu des coups de pouce. La valeur a quasiment toujours été évaluée à la hausse pour la CAR mais le texte n’interdit pas que ce soit à la baisse », signale Bertrand Crovetto.

Les revalorisations interviennent toujours au 1er octobre. Cependant, une revalorisation intermédiaire est aussi possible et cumulable avec la revalorisation annuelle. En 2022, compte-tenu de l’inflation consécutive à la crise économique en partie née du conflit en Ukraine, une revalorisation intermédiaire de 2% a eu lieu au 1er avril. « Cela faisait 37 ans qu’il n’y avait pas eu de revalorisation intermédiaire », assure le directeur des CCSS. Actuellement, le point se trouve à 20,36€ annuel. Pour calculer sa retraite, il faut donc multiplier le nombre de points avec la valeur annuelle du point et diviser par 12. « Et vous aurez ce que vous percevrez chaque mois », souligne Bertrand Crovetto.

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4. Dépôt des demandes

Pour le dépôt de la demande de retraite, il est conseillé de le faire un mois avant la date de cessation ou la date d’effet souhaitée. « Nous relevons à peu près 250 dossiers de liquidation par mois », indique Vénéra Stauffer. « Pour l’instant, les volumes que nous gérons permettent de donner cette qualité de service. Nous mettons les moyens nécessaires pour que les personnes puissent avoir des délais très courts. On a la chance d’avoir des volumes à taille humaine », ajoute le directeur des CCSS. Neuf personnes sont employées dans le service : une cheffe de service, deux cadres et six agents liquidateurs.

D’autre part, en cas de carrière mixte sur deux pays (par exemple entre la France et Monaco), il vous faut déposer votre dossier là où vous avez effectué la carrière majoritaire. « Si vous avez une carrière majoritaire en France, en général, vous déposez en France. Et la France fait un formulaire de liaison à Monaco. Ce qui nous permet de les guider en convention. Nous avons d’autres facilitations. Si vous habitez à Monaco, que vous êtes Français et que vous n’avez travaillé qu’en France, nous faisons l’introduction en France », rassure Vénéra Stauffer. Les CCSS font parvenir un courrier (par voie postale ou bien directement en ligne sur l’espace personnel accessible sur le site internet des CCSS) chaque année pour indiquer les nombre de points CAR acquis ainsi que la valeur annuelle du point en vigueur à réception du courrier.

5. Différences entre le système français et monégasque

« Nous ne sommes pas sur les mêmes systèmes puisque la CAR est un système par point alors que le système de base français est un système par prestation définie en fonction de la carrière et des meilleures années. Par ailleurs, en France, il y a des systèmes d’abattement. Chaque cas est presque un cas particulier si on a une carrière hachée, si on a travaillé à temps complet. C’est donc absolument impossible de faire le moindre comparatif », intervient Bertrand Crovetto, directeur des CCSS.

6. Effets ricochet de la réforme française sur le régime de la CAR

Quels impacts peut avoir la réforme française sur le régime de retraite monégasque ? Sur les personnes qui ont une carrière significative en France, les CCSS peuvent anticiper des comportements modifiés de prise de pension en fonction des règles françaises. « Aujourd’hui, on ne peut pas préjuger du fait que cela puisse évoluer de manière assez importante dans la mesure où en France il est prévu de décaler l’âge de départ à 64 ans. A partir du moment où vous avez des personnes - et c’est la majorité des gens qui travaillent à Monaco - qui vont faire ce que l’on appelle des carrières mixtes en France et à Monaco, il n’est pas exclu que cela ait une incidence sur l’âge moyen de liquidation à la CAR puisque ces personnes-là, bien involontairement, seront obligées de liquider leur pension plus tard et de travailler plus longtemps, soutient encore le directeur.

Nous l’avons déjà observé lorsque l’âge légal de départ à la retraite est passé en France de 60 à 62 ans. Il y a déjà eu un effet. On ne peut pas exclure qu’il y ait des effets sur l’âge moyen de prise de pension de la CAR mais il convient de voir quel sera le texte final.

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7. Pérennité des pensions monégasques

« Nous sommes dans la même configuration que l’ensemble de l’Europe de l’Ouest avec l’allongement de la durée de vie, nous avons moins de salariés qui financent les pensions. C’est un phénomène que l’on retrouve dans tous les pays d’Europe de l’Ouest. A Monaco, ça a pu poser des soucis par le passé. Raison pour laquelle en 2012, il y a eu une réforme de la CAR qui visait à contrebalancer les effets, sans avoir à toucher l’âge », ne cache pas Bertrand Crovetto.

Pour anticiper ce risque, des études prospectives sont réalisées par des cabinets d’actuaires. « On suit ce qu’on appelle la pyramide des points. Cela permet de savoir le stock de points qu’il y aura à honorer. Nous suivons les indicateurs du nombre de salariés qu’il faut pour financer une pension. Ce sont des paramètres extrêmement importants que tous les régimes par répartition du monde suivent.

Chiffres clés

• 36 841: le nombre de personnes qui sont actuellement retraitées affiliées à la caisse autonome des retraites (CAR) dont 30 428 pensionnés directs, 6073 réversions et 340 orphelins
• 2511: le nombre de personnes qui sont actuellement retraitées affiliées auprès de la caisse autonome de retraite pour les indépendants (CARTI) dont 1970 pensionnés directs, 520 réversions et 21 orphelins
• 20,36€: la somme que représente la valeur actuelle du point annuel
• 65 ans: l’âge de départ légal à la retraite dans le secteur privé à Monaco
• 1er octobre: la date de revalorisation annuelle de la valeur du point à la suite de la décision du conseil d’administration des CCSS
• 2%: le pourcentage de la revalorisation intermédiaire exceptionnelle accordée au point en 2022
• 37 ans: le nombre d’années qui nous sépare de la dernière revalorisation intermédiaire décidée par le conseil d’administration des CCSS pour le montant de la valeur du point en raison d’une inflation galopante
• 250: le nombre de dossiers de liquidation traité par mois par le service retraites des CCSS
• 1 mois: le délai moyen de traitement après un dépôt de demande de retraite auprès des CCSS
• 1947: l’année de création du régime de base CAR à Monaco
• 1958: l’année de création du régime CARTI à Monaco

Retraite : où vous renseigner à Monaco ?

L’accueil ”Retraites” se fait du lundi au vendredi de 08h30 à 12h sans rendez-vous au sein du rez-de-chaussée du Flor Office situé 10, rue princesse Florestine. On vous donnera des renseignements sur les conditions d’ouverture de droits à pension, aussi bien qu’une estimation du montant de la retraite. C’est aussi l’endroit où on peut vous conseiller par rapport à la liquidation des demandes de pensions de retraites C.A.R. et C.A.R.T.I. et concernant le paiement des pensions et allocations aux retraités.

« C’est le système le plus juste et égalitaire parce que chacun contribue en fonction de ses revenus et acquiert un certain nombre de points. Et puis il y a un système de solidarité lorsque les personnes sont privées involontairement d’emploi continuent à acquérir des points retraite quand elles sont malades, en accident du travail, au chômage. La CAR continue de donner des points.

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